Si de nombreuses armées du continent utilisent des drones de fabrication étrangère, notamment dans la lutte contre le terrorisme, les succès sud-africain et nigérian en matière de conception locale permettent d’anticiper une accélération du phénomène dans les années à venir.
Depuis plus de quinze ans, le drone est indissociable des opérations militaires. Qu’il soit de la taille d’un avion et puisse transporter bombes et missiles ou qu’il tienne dans la main, il est présent sur tous les théâtres d’opérations.
En Afrique subsaharienne, les appareils sans pilote français et américains survolent continuellement le Sahel. Washington en déploie également au Cameroun et en Somalie. Mais les militaires africains en font, eux aussi, un usage croissant dans le combat contre différentes menaces asymétriques.
L’Afrique du Sud fut pionnière dans ce domaine, développant ses propres aéronefs sans pilote et les engageant en Angola à la fin des années 1980, avant de les exporter en Algérie et au Moyen-Orient. Dans les années 2000, le Nigeria a acquis des engins israéliens, dont la mise en œuvre fut difficile et marquée par de nombreux problèmes de maintenance.
Cela ne l’a pas découragé : en 2014, Abuja a reçu au moins cinq drones armés chinois, destinés à être utilisés dans des missions de renseignement et d’attaque contre Boko Haram. Malgré les possibilités ainsi ouvertes, le Nigeria ne semble pas avoir été entièrement satisfait, de sorte qu’il a finalement privilégié le développement de ses propres appareils.
Lutte contre Boko Haram
En 2018, l’Air Force Institute of Technology (Afit) a dévoilé son drone tactique de surveillance Tsaigumi, mis au point en partenariat avec l’industriel portugais UAVision. Destiné aux missions de reconnaissance, de renseignement et d’observation, il doit être rejoint par un autre modèle, armé cette fois, également conçu par l’Afit.
Plus à l’est, au Cameroun, les bataillons d’intervention rapide (BIR) ont développé, depuis 2015, une composante de renseignement à base de drones pour leurs opérations contre Boko Haram. Leur groupement d’observation aérienne (GOA) utilise aussi bien l’Orbiter d’origine israélienne que des engins américains ScanEagle ou des drones commerciaux multirotors DJI Mavic Pro, Inspire 2 et Matrice 600.
Conçus au départ pour le marché civil, ces derniers sont employés dans la surveillance rapprochée et le soutien immédiat aux troupes terrestres. Les ScanEagle et Orbiter servent, quant à eux, aux missions de reconnaissance lointaine, permettent d’identifier des cibles et de guider les tirs de l’artillerie camerounaise.
Plusieurs autres pays africains disposent d’aéronefs sans pilote, tels que le Kenya (qui a recours à des ScanEagle en Somalie), le Botswana, la Zambie, le Soudan ou même le Sénégal, qui a utilisé des drones de fabrication israélienne en Gambie, en 2017, lors de l’intervention de la Cedeao. L’Éthiopie travaillerait pour sa part au développement de plusieurs modèles. Quant à la Mauritanie, elle est sur le point de se voir livrer des engins chinois armés.
Excellents outils
Les drones constituent de formidables multiplicateurs de forces pour les armées africaines. Les produits commerciaux tels que les DJI sont économiques, faciles à mettre en œuvre et très utiles pour les missions de reconnaissance de périmètre ou d’itinéraire à emprunter, réduisant ainsi le risque d’embuscade. Les appareils plus lourds, à vocation strictement militaire, restent beaucoup moins coûteux que des aéronefs pilotés et plus aisés d’entretien.
Les succès sud-africain et nigérian permettent d’anticiper une accélération du développement de drones de conception locale
Leurs capteurs sophistiqués et leur autonomie en font d’excellents outils de renseignement, susceptibles de couvrir de vastes zones en repérant les mouvements humains ou de véhicules, et permettant ainsi aux forces terrestres d’intervenir de façon plus ciblée.
Dans les mois et les années qui viennent, les armées africaines recourront donc de plus en plus à des engins sans pilote, armés ou non. Les succès sud-africain et nigérian permettent également d’anticiper une accélération du développement de drones de conception locale dont la mise au point, la fabrication et la maintenance sont plus abordables et moins complexes que celles d’un avion ou d’un hélicoptère. Cela permettra aussi de réduire la dépendance vis-à-vis des fournisseurs étrangers, ce qui est d’une importance stratégique dans le domaine si sensible du renseignement militaire.