Tolérance ethnique et confessionnelle, la clé de la stabilité sociale en Afrique Subsaharienne

INTRODUCTION

Les « aires culturelles » favorisent les échanges et les perspectives interdisciplinaires et que les sociétés de l’Afrique subsaharienne sont manifestement diverses au plan culturel et religieux. Ce qui renvoit naturellement à des sensibilités relationnelles allant de la coopération au conflit – parfois violent- en passant par la cohabitation entre différentes communautés religieuses au sein d’un même Etat.

SITUATION GEOGRAPHIQUE DES COURANTS RELIGIEUX

En Afrique on peut certes distinguer des grandes aires religieuses correspondant à des grandes aires géographiques.  L’islam est surtout présent en Afrique du Nord – Est, dans le Sahel et sur la bande côtière de l’océan Indien du continent. Le christianisme par contre s’est surtout implanté au sud de l’Afrique de l’ouest, en Afrique centrale et austral. Mais cette vision est trop simplificatrice : d’une part elle rend mal compte de la présence de « minorités » à l’intérieur de ces ensembles, d’autre part elle ne permet pas de montrer les diversités et les scissiparités, qui traversent chacune des grandes « communautés » religieuses. Quant au célèbre « fond  traditionnel  animiste » qui constituerait l’héritage commun – au-delà des religions « importées » que sont l’islam et le christianisme- des sociétés d’Afrique noire, C’est dire donc que les relations entre communautés religieuses qui nous intéressent ici doivent être posées dans ce contexte dynamique.

Il faut aussi ajouter que ces nouvelles mobilisations s’appuient dans un cas comme dans l’autre sur de réseaux internationaux qui financent ces activités de propagation de la foi et forment leurs cadres. Cette nouvelle mondialisation de l’activité religieuse est un élément qui mérite d’être pris en compte dans la géopolitique complexe de ce renouveau religieux qui croise dynamiques internes et stratégies globales. Mais la situation est d’autant plus difficile à démêler que les « centres » sont multiples et rivaux.

Bref, ces recompositions religieuses qui remettent en question les frontières entre communautés religieuses sont à la fois le reflet de changements sociaux internes et l’expression localisée de rivalités politiques plus larges.

LA POLITISATION DES RELIGIONS

La politisation des religions me semble en effet être une dimension importante aujourd’hui. Cela n’est évidemment pas nouveau ; les historiens et les anthropologues l’ont abondamment souligné : l’étude des assises sacrées du pouvoir ou celle des rébellions religieuses, parfois ritualisées, dans l’Afrique précoloniale en sont l’illustration.

Cependant la laïcité de l’Etat ne doit pas toujours considérable. En effet, elle n’empêche pas les autorités de chercher à maîtriser le champ religieux ou à s’appliquer à instrumentaliser certains groupes ou autorités religieuses pour renforcer leur légitimité et s’assurer des médiations et relais socio-politiques.

Les transitions démocratiques n’ont donc pas du tout entraîné une sécularisation du politique. A l’inverse elle a contribué à introduire de façon encore plus manifeste le religieux dans le champ politique. Les partis et hommes politiques ont cherché des soutiens politiques et financiers auprès de telle ou telle Eglise ou groupe religieux, ce qui a conduit à une certaine instrumentalisation de certains d’entre eux. Le pluralisme politique ne reproduit pas de façon nette le pluralisme religieux, mais les tentatives d’utilisation du religieux par le politique sont partout manifestes et peuvent contribuer à créer des clivages entre communautés ou groupes religieux, même si les constitutions de la plupart des Etats africains interdisent les partis politiques à base religieuse, aussi ethnique et régionale.

CAS DE LA COTE D’IVOIRE

En somme la démocratisation n’est pas étrangère à la politisation et à la radicalisation des clivages religieux quand ceux-ci tendent à se confondre avec des clivages partisans et ethniques voir aussi le cas de la Côte – d’Ivoire. Le 26 aout 1995, Henri Konan Bédié, alors président depuis le mort d’Houphouët-Boigny, réintroduit le concept d’ivoirité. Selon lui ce concept permet à la Côte d’Ivoire de mieux préserver son identité. Ce concept a permis d’éliminer Alassane Ouattara originaire du nord du pays et ayant occupé de hautes fonctions sous la houlette burkinabé ont permis son rejet. Les populations du Nord et du Centre, notamment Malinkés et musulmanes ont des patronymes identiques à ceux des immigrés de même ethnie provenant des pays voisins. Ce concept n’a pas réduit les flux migratoires provenant des pays musulmans pauvres et surpeuplés du Sahel. Bien vrai que le facteur ethnique a été un instrument le plus utilisé par les hommes politiques en Côte d’Ivoire rare sont les fois où les édifices religieux ont été attaqués ou vandalisés. Ces remarques aboutissent donc au constat que la pluralité religieuse si caractéristique de beaucoup d’Etats africains est susceptible de se radicaliser, surtout dans les situations où on assiste à une instrumentalisation réciproque du religieux et du politique et où les appartenances religieuses recoupent des identités territoriales ou ethniques.

Il convient cependant de ne pas exagérer cette tendance. S’il y a des violences et des guerres en Afrique, elles ne se confondent pas dans la majorité des cas avec des guerres de religions. Certains pays comme la Somalie, le Rwanda ou le Burundi sont relativement homogènes du point de vue religieux.

 

CONCLUSION

Dans beaucoup d’Etats africains règne tolérance et cohabitation religieuses. Celles-ci tiennent moins au progrès de la laïcité qu’à une habitude de la diversité culturelle, au caractère labile des identités et à une approche souvent pragmatique de la religion.Il se peut que les changements et les décompositions que connaissent les sociétés africaines contemporaines modifient cette situation et que l’inflation des mobilisations religieuses –qui est loin d’être une spécificité africaine – aboutisse à une radicalisation des différences religieuses. Toutefois, les passions religieuses, comme les passions ethniques, posent une question de fond : pourquoi les hommes se laissent-ils autant mobilisés ou manipulés par ces catégories d’appartenances ?