Le Mali vit une révolution qui a connu une parenthèse sanglante suite à l’utilisation de la force létale dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre, en réponse a-t-on dit à des actes de vandalisme. Si ces actes sont condamnables, la réponse appropriée est-elle la mort pour leurs auteurs ? Le pays se trouve plongé dans une turbulence qu’on aurait pu et dû éviter.
LA SOLUTION NE PEUT ÊTRE QUE MALIENNE
Le Mali doit nécessairement revoir son système d’organisation politique parce que les dernières élections législatives ont cristallisé la somme de tous les errements d’une parodie de démocratie. En effet, les partis politiques qui sont censés faire des alliances selon leur affinité idéologique, mais se mettre en concurrence pour défendre un projet de société afin d’offrir un choix responsable aux électeurs, ont vidé la démocratie de sa substance. La majorité et l’opposition, en décidant de faire liste commune, ont fourni la preuve que la pratique politique est devenue corrompue au point de narguer les citoyens dont on pense pouvoir se jouer de l’avis et des convictions. Rien que pour cela, le président de la République devrait dissoudre l’Assemblée nationale, à moins que les 500 Millions de budget annuel alloué au chef de file de l’opposition permettent d’expliquer ne serait-ce qu’en partie une telle connivence. La désignation à la hussarde du président de l’institution a mis à nu une immixtion honteuse et intolérable qui viole le principe de la séparation des pouvoirs. Dans cette ambiance de corruption généralisée, comment l’armée peut-elle gagner la guerre contre les « djihadistes » pendant que cette même guerre permet à certains malins de tirer les marrons du feu ? La dissolution de l’Assemblée nationale dans sa forme actuelle, qui est nettement à la portée du président de la République serait un acte de salubrité politique, voire de salut public. La mission de bons offices dépêchée par la CEDEAO du 15 au 19 Juillet 2020 a été un fiasco retentissant qui a obligé cinq chefs d’État à prendre le relai le jeudi 23 juillet. Cependant, les Maliens ne doivent pas perdre de vue que sur les six chefs d’État qui se sont rencontrés à Bamako, à part les deux anglophones, tous les autres ont maille à partir avec leur opposition qu’ils empêchent ou veulent empêcher de prendre part à la compétition politique. La CEDEAO restera donc fidèle à ses principes et la solution ne pourrait être que malienne.
SORTIR DES POSTURES POUR ALLER À L’ESSENTIEL
La constitution de 1992 a certes été écrite dans le sang des martyrs, ce qui lui confère une valeur symbolique assez forte, mais les insuffisances qu’elle contient ajoutées aux dérives monarchiques observées ces dernières années interpellent le peuple malien sur la nécessité de la réécrire. Pour cela, il faudra tenir compte d’au moins trois réalités. D’abord, le respect de la volonté de la majorité des Maliens à qui il faut prendre le temps d’expliquer le contenu du texte et sa portée de norme suprême du pays. Ensuite, la nécessité de tourner la page de la gouvernance antidémocratique et de la gestion à scandales des ressources publiques. Enfin, le souci d’ouverture et d’enrichissement dans le respect de nos valeurs sociétales, car aucun peuple ne peut se développer de façon durable avec une culture d’emprunt. Le Mali qui est un vieux pays avec des repères multiséculaires, n’a pas à se plier à un système d’exploitation et d’oppression qui le rabaisse à un niveau de sous-produit à soumettre aux valeurs occidentales. À la manière du Japon, de la Chine ou d’autres dragons d’Asie, il doit se faire respecter par son travail et sa culture. Dans cet esprit, la nouvelle Constitution qui tiendra compte de nos valeurs essentielles s’imposera véritablement à tous parce que le peuple malien se la sera appropriée.
Seules l’acceptation et l’obéissance donnent une force à la loi. C’est le sens du combat de moralisation de la vie publique et de respect de nos valeurs qu’IBK n’a pas su mener et que mène à présent l’Imam Dicko. Sa mission est quasiment une réussite parce qu’il a créé l’esprit du 5 juin qui indique au peuple malien le chemin de l’honneur et de la dignité face à la duplicité et à la corruption des hommes politiques. Dommage qu’IBK ait fait une mauvaise lecture de cette autre réalité. Comprenne qui pourra !
Si la réponse aux actes de vandalisme est la mort pour leurs auteurs, le Mali risquerait bientôt de se retrouver sans une bonne partie de ses fonctionnaires et de ses hommes politiques qui sont devenus les véritables fossoyeurs et donc les vandales de l’économie nationale. Le Maliba résilient sortira grandi de cette malheureuse crise de la cupidité et du nanisme politique.