Le récent redéploiement de 1000 soldats composés des ex-combattants des Mouvements signataires nouvellement intégrés au sein de l’armée nationale à Kidal, Gao, Tombouctou et Ménaka a été jugé salutaire par la plupart des observateurs du processus de paix au Mali. Mais le dernier rapport du Centre Carter tombe comme un cheveu dans la soupe.
A l’opposé de l’espoir suscité par cet événement, le Carter Center, Observateur indépendant dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix de 2015 au Mali, a fait des révélations plus qu’inquiétantes sur le processus de redéploiement de l’armée nationale reconstituée.
Selon les auteurs de ce dernier rapport, les Parties n’ayant pas encore trouvé d’entente sur la question du commandement des unités intégrées redéployées, celles-ci ne sont toujours pas pleinement opérationnelles.
Pire, le rapport souligne la lenteur du Gouvernement, ainsi que son manque de préparation pour le redéploiement, mais aussi la réticence des commandants des Mouvements à rompre complètement les liens de commandement avec leurs anciens combattants.
Comme si cela ne suffisait, l’Observateur indépendant constate avec inquiétude que le redéploiement des unités intégrées a eu lieu au moment même où la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) étendait ses opérations sécuritaires et sa présence territoriale dans le nord du Mali.
Par ailleurs, les Parties sont également en désaccord quant à la structure globale et les besoins de l’armée reconstituée.
«Au vu des difficultés observées, auxquelles vient s’ajouter la pandémie de COVID-19, il est peu probable que les Parties atteignent l’objectif fixé par le Conseil de sécurité des Nations unies, consistant à former et redéployer 3000 soldats nouvellement intégrés d’ici juin 2020», conclut le rapport.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’au-delà des inquiétudes soulignées par le Centre Carter, ces agissements constituent, à n’en pas douter, une violation des dispositions de l’Accord.
Selon l’Article 17 : ‘’les questions de défense et de sécurité ci-après sont régies par les principes suivants : inclusivité et représentation significative de toutes les populations du Mali au sein des forces armées et de sécurité ; Unicité des forces armées et de sécurité du Mali, relevant organiquement et hiérarchiquement de l’Etat central ; Progressivité du redéploiement des forces armées et de sécurité reconstituée du Mali’’.
L’Article 21 renchérit : ‘’les forces armées et de sécurité reconstituées se redéployeront, de manière progressive à compter de la signature de l’Accord, sur l’ensemble des régions du Nord. Ce redéploiement s’effectue sous la conduite du Mécanisme Opérationnel de coordination (MOC), avec l’appui de la MINUSMA».
En tout cas, le présent rapport vient confirmer, si besoin en était, un constat antérieur établi par l’Observateur indépendant de l’application de l’Accord, qui disait dans son rapport annuel de fin de 2019 que l’application de l’Accord se heurte à des points de blocages multiples, parfois mesquins, ou transpirant la mauvaise foi des acteurs.