« Ce n’est pas l’armée malienne qui est à Kidal. C’est l’armée des séparatistes, l’armée de la CMA, l’armée de l’Azawad.»
Le contingent de 600 soldats maliens de l’armée reconstituée est arrivé ce 13 février à Kidal, bastion de la rébellion touarègue.
Parti de Gao, le 10 février, ce bataillon militaire est constitué de 200 soldats de l’armée traditionnelle, ainsi que de 200 soldats de la coordination des mouvements de l’Azawad et 200 soldats des mouvements de la Plateforme du 14 juin, issus du processus de désarmement.
Pour la première fois depuis les violents combats de 2014 qui l’ont opposée aux séparatistes de l’Azawad, l’armée va reprendre position dans cette région. En plus des soldats, une équipe technique constituée d’une quarantaine de Forces armées maliennes (FAMa) – médecins, infirmiers, mécaniciens, et spécialistes de la transmission – fait partie du groupe.
Le retour de l’armée à Kidal signifie qu’elle pourra renouer avec sa mission régalienne de défense du territoire national. Cela est d’autant plus réconfortant que ce redéploiement se fait dans une ambiance conviviale et dans un cadre accepté par chaque partie.
L’armée n’y avait plus mis les pieds depuis mai 2014. La ville était depuis cette époque contrôlée par d’anciens groupes armés rebelles, à dominante touareg. Le retour des forces régulières à Kidal est le fruit d’un accord de paix, qui prévoit un partage du pouvoir entre armée et ex-rebelles, dont l’objectif est aussi de lutter contre les djihadistes. Les séparatistes de Kidal avaient été accusés par les pays voisins, frappés eux aussi par l’Etat islamique, de laisser les terroristes utiliser Kidal comme base arrière. Ce redéploiement à Kidal est présenté par certains observateurs comme étant le départ d’une nouvelle ère, une ère de paix, de sécurité, et de confiance retrouvée entre les populations du Mali.
Chassées de Kidal, sorties par la petite porte, par la faute de politiques irresponsables, nos FAMa (Forces armées maliennes) sont obligées d’y retourner sur la pointe des pieds, rasant les murs et, humiliation suprême, sous forte escorte de forces étrangères. Et tout cela, sur un sol qui est censé nous appartenir. Quelle honte ! Avions-nous, vraiment, besoin de nous aplatir de la sorte pour revenir à Kidal ?
D’abord, tout le tapage médiatique qui a précédé et entouré cette opération de retour de l’armée à Kidal. Les autorités en ont fait la publicité et l’ont brandi comme un trophée à travers le monde. Toutes les occasions et tous les créneaux ont été mis à profit pour informer de l’arrivée des FAMa à Kidal, annoncer la nouvelle et en faire une victoire, une avancée dans le cadre de la mise en œuvre du processus.
Des annonces qui, si on n’y prend garde, pourraient contrarier et irriter les populations de Kidal encore très divisées au sujet de la présence de l’armée malienne à Kidal. Il ne faut donc pas être étonné d’assister à des mouvements de contestations exacerbés par cette volonté du gouvernement de communiquer, à tout prix, et à tout moment, sur l’arrivée de «l’armée reconstituée» à Kidal. Tout ça, à notre avis, et de celui de plusieurs observateurs, aurait pu et aurait dû se passer dans la plus grande discrétion.
Aussi, l’attitude du chef d’état-major général de l’armée le Général Abdoulaye Coulibaly n’est pas de nature à rassurer quant à la posture que vont adopter nos soldats à Kidal. Le discours qu’il a tenu à ces derniers, avant qu’ils ne prennent la route pour Kidal, les incitait à se faire tout petits, à garder profil bas.
Le Mali est confronté depuis 2012 aux insurrections indépendantistes, djihadistes et aux violences intercommunautaires qui ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. Parties du nord du pays, les violences se sont propagées au centre et aux pays voisins, le Burkina Faso et le Niger.
Dans un contexte de grave détérioration sécuritaire au Mali et au Sahel, le retour de l’armée nationale à Kidal, aujourd’hui sous le contrôle d’ex-rebelles, est anticipé comme une affirmation forte d’un rétablissement de l’autorité de l’Etat malien, qui ne s’exerce plus sur de larges pans du territoire.
Le retour de l’armée malienne à Kidal est considéré comme déterminant pour la mise en oeuvre de l’accord de paix d’Alger de 2015.
L’application de cet accord passe pour un facteur primordial d’une sortie de crise au Mali, confronté depuis 2012 aux insurrections indépendantistes, salafistes et jihadistes et aux violences intercommunautaires qui ont fait des milliers de morts.
Malgré la présence de bases françaises et des forces onusiennes, Kidal est sous le contrôle d’ex-rebelles séparatistes touareg qui se sont soulevés contre le pouvoir central en 2012 avant de signer un accord de paix à Alger trois ans plus tard.
La mise en oeuvre de l’accord piétine et le sort de Kidal est une source de fortes crispations. Les voisins du Mali y soupçonnent ou y dénoncent des alliances entre séparatistes et jihadistes. Pour eux, Kidal a servi de base arrière aux attaques jihadistes.
La situation de Kidal suscite l’inquiétude des pays du Sahel, pour qui cette ville du nord-est du Mali en guerre sert de base arrière à des jihadistes pour semer la terreur dans la région.
Jusqu’alors prononcées sous le manteau, les accusations visant Kidal, à quelques centaines de kilomètres de l’Algérie et du Niger, ont été lancées haut et fort par le président nigérien Mahamadou Issoufou début septembre 2019.
« Le statut de Kidal est une menace » pour la stabilité du Sahel, a déclaré M. Issoufou malgré la présence à ses côtés de son homologue malien Ibrahim Boubacar Keïta.
Kidal fait partie de ces vastes zones du Mali qui échappent de facto à l’autorité de l’Etat. Prise en 2012 par les rebelles salafistes, elle est aujourd’hui, malgré la présence de bases française et des forces onusiennes, sous le contrôle d’ex-rebelles séparatistes touareg qui se sont soulevés contre le pouvoir central en 2012 avant de signer un accord de paix à Alger en 2015.
« Aujourd’hui, Kidal est devenue une évidente base arrière et rampe de lancement de plusieurs opérations terroristes », a déclaré mi-septembre auprès de la presse burkinabè Maman Sidikou, secrétaire général du G5 Sahel engagée dans la lutte contre le djihadisme.