Près d’un an et demi après sa mise en place, les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu vivent toujours sous état de siège, une décision des autorités pour répondre à la menace des groupes armés qui sévissent dans cette région du pays. Une décision qui n’a pas empêché la ville de Bunagana, frontalière avec l’Ouganda, d’être prise en juin dernier par les rebelles du M23. En réponse à cette menace, une force est-africaine est en train d’être déployée dans la zone. Où en est-on de son déploiement ? Quelle est actuellement la situation sécuritaire et militaire dans le Nord-Kivu ? Rencontre à Goma avec le porte-parole du gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu, le général Sylvain Ekenge.
RFI : Que pouvez-vous nous dire aujourd’hui de la situation sécuritaire au Nord-Kivu ?
Général Sylvain Ekenge : Sur la situation militaire, elle est stable. Depuis que les affrontements ont commencé dans le territoire du Rutshuru, on a fixé l’ennemi… en attendant que nous puissions continuer avec les opérations. Sur le plan sécuritaire, il y a beaucoup d’avancées. Dans la ville de Goma, la police fait son travail. Au niveau du territoire de Beni, les opérations conjointes entre l’armée ougandaise et l’armée de notre pays continuent pour traquer les terroristes ADF/MTM. Dans le territoire de Masisi, la situation commence un peu à empirer alors qu’on avait déjà presque réglé la situation sur cette partie du territoire, mais avec le désengagement des troupes qu’on a amenées pour combattre les Rwandais qui nous ont agressés sous couvert du M23, la plupart des groupes armés commencent à avoir pignon sur rue, mais la situation est sous contrôle dans l’ensemble de la province du Nord-Kivu.
Vous nous parliez de la situation militaire, donc précisément du côté du Rutshuru, où aujourd’hui la situation est plutôt calme effectivement, il n’y a plus de combat, est-ce que vous avez eu des ordres d’éviter les affrontements ?
Nous, on n’évite pas les affrontements. Nous continuons à tenir le front et à fixer l’ennemi. Nous savons ce que nous faisons et le moment venu, on va se mettre à l’œuvre.
Vous attendez, pour vous mettre à l’œuvre, l’installation de toute la force est-africaine qui est prévue dans cette zone ?
Que ce soit la Monusco ou la force régionale est-africaine qui arrive, ce ne sont pas ces forces-là qui viendront remplacer les forces armées. Toutes ces forces viennent en appui des forces armées. Au moment où je vous parle ici, il y a le commandant second, le commandant adjoint de la force qui est sur place ici à Goma, c’est un Congolais. Les Kenyans ne sont pas encore arrivés, les Ougandais ne sont pas encore arrivés, les Sud-Soudanais ne sont pas encore arrivés mais les Burundais sont déjà au Sud-Kivu et ils opèrent à ce niveau-là en appui aux FARDC (Forces armées de la république démocratique du Congo, NDLR). Ici sur place, le matériel des Kenyans est arrivé, mais on attend le moment venu où les troupes viendront, il n’y a pas de problème là-dessus.
Beaucoup de bruits ont circulé justement sur l’arrivée des troupes kenyanes, donc vous me confirmez qu’elles ne sont pas encore entrées en territoire congolais, que ce n’est que du matériel, et vous me confirmez aussi qu’elles entreront comme prévu par Bunagana ?
Le problème ce n’est pas d’entrer par Bunagana ou d’entrer par ailleurs, l’essentiel c’est que les troupes arrivent là où elles doivent arriver. Pourquoi se soucier de l’entrée par Bunagana ou par une autre frontière, l’essentiel c’est que cette force soit là.
Oui mais c’est le président Félix Tshisekedi qui l’a annoncé à l’antenne de RFI que les Kenyans entreraient par Bunagana…
S’il faut qu’ils entrent par Bunagana où est le problème ? Qui va les empêcher d’entrer par Bunagana ? Personne ! C’est une force qui vient pour appuyer les FARDC et permettre la paix et la sécurité dans notre pays.
On va parler de l’état de siège qui est en cours dans le Nord-Kivu et en Ituri depuis presqu’un an et demi, il est sévèrement critiqué par la société civile qui lui reproche un bilan très mitigé, est-ce que vous dressez le même bilan ?
Demandez plutôt à la population. La société civile, c’est quelque chose d’ambigu aussi, puisque c’est une société civile qui est manipulée. Si vous regardez bien, c’est une société civile instrumentalisée par les politiciens. Mais si vous posez la question aux gens qui travaillent dans l’administration et aux populations qui voient comment on a doublé les recettes de la province, je pense que la réponse que vous aurez sera différente de celle que vous donnent les gens instrumentalisés.
Les provinces sous état de siège risquent d’être exclues de l’élection qui arrive dans un an, est-ce que ça veut dire que vous réfléchissez aujourd’hui à une façon de faire évoluer ça pour pouvoir permettre à tous ces Congolais de voter ?
Il y a quatre ans les élections se sont déroulées dans le même contexte d’insécurité, mais il y a eu des élections. Et ce sera la même chose, on va multiplier les efforts pour que les élections se passent dans de bonnes conditions, là il n’y a pas d’ambiguïté là-dessus.