Premier ministre de Bouteflika à deux reprises, entre 2012 et 2017, Abdelmalek Sellal ne devrait cependant pas rester plus de douze ans en détention. Explications.
Ce 29 novembre, il a fallu que sa défense lui répète trois fois le verdict pour que l’ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal, réalise qu’il vient pour la première fois d’être acquitté par la justice algérienne dans une affaire de corruption et d’octroi d’avantages indus.
La veille, dans sa cellule, il ne s’attendait certainement pas à un tel dénouement, alors qu’il a été condamné à des peines de prison à l’issue de chacun de ses procès pour divers chefs d’accusation : abus de fonction, corruption, malversations dans la conclusion de marchés publics et octroi d’avantages indus aux hommes d’affaires proches de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika.
Depuis son placement en détention préventive le 13 juin 2019, à la demande de la Cour suprême, l’ex-Premier ministre (2012-2017) comptabilise à ce jour une vingtaine de comparutions devant le juge d’instruction et six procès pour corruption, pour un cumul de peines de 39 ans de prison.
Âgé de 73 ans, l’ancien haut responsable devra purger au moins 12 ans de prison, la législation algérienne ne prévoyant que l’exécution de la peine la plus lourde prononcée à l’épuisement des procédures de recours.
975 millions d’euros
Dans l’affaire pour laquelle il a été acquitté, Abdelmalek Sellal comparaissait pour avoir signé en décembre 2015 une dérogation autorisant la reprise des travaux, onze ans après leur lancement, d’un hôtel cinq étoiles de 14 étages dans le centre-ville de Bejaïa pour un coût estimé à 4 millions de dollars.
Abdelmalek Sellal a écopé de douze ans de prison dans l’affaire des usines de montage d’automobiles
L’ex-Premier ministre avait ainsi passé outre l’opposition de la protection civile et de la Direction de l’énergie de cette wilaya qui mettaient en garde contre la proximité de la bâtisse avec un pipeline plongeant dans le terminal du port pétrolier de la ville.
Selon son chef de cabinet de l’époque Mustapha Rahiel, condamné lui à trois ans de prison dans cette affaire, « l’intervention du premier ministère dans ce projet local à l’époque s’inscrivait plutôt dans le cadre des facilités accordées aux investisseurs pour créer de nouveaux emplois ».
Le tribunal de Sidi M’hamed n’a pas été convaincu par les preuves justifiant les charges retenues contre Sellal durant l’instruction et a donc prononcé son acquittement.
En janvier 2021, Abdelmalek Sellal a écopé de douze ans de prison dans l’affaire des usines de montage d’automobiles. L’ex-Premier ministre était accusé d’avoir octroyé des avantages financiers et fiscaux aux hommes d’affaires alors proches du pouvoir pour la construction de ces unités. Un projet qui aura coûté au Trésor public la bagatelle de 128 milliards de dinars (975 millions d’euros), selon les chiffres officiels.
Dans le deuxième volet de ce procès, l’ancien Premier ministre était poursuivi en tant que directeur de campagne de Boutefilka. Sept milliards de dinars (52 millions d’euros), ainsi qu’une vingtaine de bons de caisse ont été récupérés par les services de sécurité.
Selon l’enquête, le clan présidentiel se serait livré à un véritable racket d’hommes d’affaires pour financer la campagne pour le cinquième mandat de Bouteflika.
Haddad, Tahkout et les autres
Dans le dossier de l’ex-président du Forum des chefs d’entreprise, Ali Haddad, poursuivi pour dilapidation de deniers publics et corruption dans la conclusion de marchés publics, Sellal a également écopé de 12 ans de prison.
Sellal a comparu en tant qu’accusé lors du procès de l’homme d’affaires Mahieddine Tahkout, poursuivi pour corruption et perception d’avantages indus accordés par d’ex-hauts fonctionnaires de l’État, dont un crédit bancaire de 27 milliards de dinars (171,7 millions d’euros) pour la création de son usine de montage de voitures Hyundai. L’ex-Premier ministre a été condamné dans cette affaire, en janvier 2021, à une peine de cinq ans de prison.
Abdelmalek Sellal a également été reconnu coupable de complicité avec Hamid Melzi, ex-Directeur général de la résidence d’État « Sahel », surnommée « la boîte noire » du régime Bouteflika, et condamné pour « blanchiment d’argent et de transferts de fonds issus de revenus criminels » et « d’incitation de fonctionnaires à l’abus de fonction », ainsi que de « conclusion de marchés en dehors des réglementations en vigueur ».
J’ai travaillé pendant 46 ans pour le compte de l’État, c’est normal d’avoir une maison et une voiture », s’est-il justifié pour tenter de sensibiliser la cour
Son implication est particulièrement pointée dans la conclusion d’un marché pour l’acquisition de 380 chalets destinés aux résidents du Club des Pins en favorisant une entreprise chinoise, pourtant classée troisième lors de l’appel d’offres. Le préjudice causé au Trésor public est de l’ordre de 3 milliards de dinars (19 millions d’euros). Abdelmalek Sellal a été condamné en septembre, dans cette affaire, à cinq ans de prison.
Difficultés à s’exprimer
Enfin, le 30 novembre 2020, l’ex-Premier ministre a écopé de cinq nouvelles années de prison pour « octroi de privilèges injustifiés » à une filiale du groupe Condor causant un préjudice financier à l’État de l’ordre de 140 millions de dinars. En tout, Abdelmalek Sellal a donc été condamné à 39 ans de prison.
Au fil des audiences ininterrompues durant trois ans, l’ancien bras droit d’Abdelaziz Bouteflika a semblé de plus en plus amaigri, flottant dans ses costumes invariablement sombres.
Tantôt il clamait d’une voix fébrile qu’il n’était que le coordinateur de l’action du gouvernement pour la bonne exécution du programme présidentiel, réclamant la présence à la barre de l’ex-président Bouteflika, tantôt il priait le magistrat de reconsidérer son jugement et de le « laisser rentrer chez lui, mourir tranquillement ». Il a souvent éprouvé des difficultés à s’exprimer et a demandé à plusieurs reprises l’autorisation de ne pas être présent à l’audience.
En plus des condamnations à des peines de prison, Abdelmalek Sellal a écopé à chaque fois d’amendes – entre 1 million et 8 millions de dinars –, assorties de la confiscation de tous ses biens. Durant sa comparution dans le cadre du procès de Hamid Melzi, il a supplié le juge de lever la saisie sur sa maison et sur le compte de sa femme malade. « J’ai travaillé pendant 46 ans pour le compte de l’État, c’est normal d’avoir une maison et une voiture », s’est-il justifié pour tenter de sensibiliser la cour.