L’état-major français ainsi que les autorités maliennes ont précisé avoir frappé une cinquantaine d’individus, présentés comme membres de la katiba Serma.
Les autorités maliennes et françaises ont assuré à l’unisson jeudi 7 janvier qu’une frappe menée dimanche par l’aviation française avait touché uniquement des djihadistes, alors que des villageois ont rapporté des victimes civiles au même moment dans le même secteur.
Les faits qui se sont produits dans le secteur de Douentza et Hombori suscitent depuis plusieurs jours les interrogations sur l’éventualité d’une bavure dans le centre du Mali, l’un des principaux foyers de la violence qui ensanglante le Sahel.
Des villageois et une association de défense de l’ethnie peule ont fait état d’une frappe aérienne ayant atteint une fête de mariage, faisant une vingtaine de morts dans le village de Bounti. Décrit par plusieurs villageois comme un hélicoptère, l’appareil qui aurait tiré ne pourrait a priori appartenir qu’aux armées malienne ou française, les seules à frapper du ciel.
Après avoir indiqué en début de semaine qu’une patrouille d’avions de chasse français avait frappé un rassemblement de djihadistes et « neutralisé » plusieurs dizaines d’entre eux à l’ouest d’Hombori – donc dans le même secteur –, l’état-major français s’est fendu d’un communiqué jeudi soir pour souligner que « les allégations consécutives à la frappe relèvent de la désinformation » et qu’« aucun dommage collatéral, aucun élément constitutif d’un rassemblement festif ou d’un mariage n’a été observé ».
« Exclure la possibilité d’un dommage collatéral »
Selon l’état-major français, « plus d’une heure avant la frappe, un drone Reaper a détecté une moto avec deux individus au nord de la RN 16 [l’axe routier reliant Bamako à Gao]. Le véhicule a rejoint un groupe d’une quarantaine d’hommes adultes dans une zone isolée. L’ensemble des éléments renseignement et temps réel ont permis d’identifier formellement ce groupe comme appartenant à un GAT [groupe armé terroriste] » et « l’observation de la zone pendant plus d’une heure et demie a également permis d’exclure la présence de femmes ou d’enfants ».
« Compte tenu du comportement des individus, des matériels identifiés ainsi que du recoupement des renseignements collectés, il a été ordonné à une patrouille d’avions de chasse – alors en vol – de procéder à une frappe ciblée à 15 heures locales », « à plus d’un kilomètre au nord des premières habitations de Bounti », poursuit le communiqué.
« Cette action de combat », effectuée au moyen de « trois bombes », et qui selon l’armée française exclut tout hélicoptère, « a permis de neutraliser une trentaine de GAT » et « les éléments disponibles (…) permettent d’exclure la possibilité d’un dommage collatéral », assure l’état-major.
Les autorités maliennes dominées par les militaires depuis le putsch du 18 août 2020 ont livré plus tôt jeudi une version cohérente avec celle de l’armée française. Un regroupement d’une cinquantaine d’individus, présentés comme membres de la katiba Serma, a été repéré dimanche en fin de matinée, a affirmé le ministère de la défense dans un communiqué.
Une opération conjointe appelée Eclipse
« L’environnement observé n’a montré ni scène de mariage, ni enfants ou femmes. Tous les renseignements recueillis en direct justifiaient que les cibles neutralisées étaient des objectifs militaires confirmés », a-t-il souligné. La katiba Serma, visée par la frappe, est affiliée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), alliance djihadiste elle-même affiliée à Al-Qaida.
Ces frappes s’inscrivent dans une opération conjointe appelée Eclipse et menée par les forces maliennes, françaises et du G5 Sahel dans cette vaste zone dite des « trois frontières » (Mali, Burkina Faso et Niger). Le ministère a annoncé l’ouverture d’une enquête « pour mieux comprendre ce qui s’est passé ».
Le silence observé par les autorités maliennes avait laissé le champ libre aux spéculations, favorisées par les difficultés d’accès à l’information dans une zone dangereuse et éloignée. Aucune image n’est remontée de Bounti. Les versions des armées et des villageois divergent au point que la concomitance de deux événements distincts n’a pu être catégoriquement écartée.