La grève de 15 jours des syndicats des administrateurs civils et des agents des collectivités doit normalement prendre fin ce week-end. Mais il n’y a rien à s’en réjouir, car ceux-ci projettent un autre arrêt de travail, cette fois une grève illimitée, en réponse à ce qu’ils considèrent comme « mépris de l’Etat à leur égard »!
L’arrêt de travail de 15 jours en cours a déjà perturbé le fonctionnement normal de l’Administration générale et négativement impacté la vie des citoyens maliens. En d’autres termes, il n’y a pas d’Etat depuis deux semaines !
Après la marche du 15 octobre 2020 pour exiger des autorités la libération de leurs camarades Ali Cissé, Sous-préfet de Farako (Ségou), et Drissa Sanogo, Préfet de Gourma-Rharous, tous deux enlevés par des inconnus, les syndicats des Administrateurs civils et des travailleurs des collectivités territoriales ont fini, face à l’absence de réaction de l’Etat, par mettre en exécution leur préavis de grève de 15 jours depuis le 19 octobre 2020. Une grève suivie à la lettre par leurs militants. En effet, sur le terrain, un tour dans certains services publics de l’Etat et des collectivités territoriales permet de constater que tout est à l’arrêt.
D’abord, il faut dire que cette cessation de travail des syndicats a déjà fortement perturbé le déroulement du processus électoral, la révision des listes électorales, lancée le 1er octobre et officiellement clôturée le 31 octobre, ayant pris un sacré coup. En effet, dans les mairies, aucune commission n’était sur place durant la période de grève. Des usagers en quête de documents ou voulant s’inscrire, faire des radiations ou des transferts n’ont eu qu’à ruminer leur colère face à l’absence de répondant à leurs préoccupations. « C’est tout simplement scandaleux », s’exclamaient-ils. Autant de raisons donc pour redouter la perspective d’une grève illimitée telle que projetée par les syndicats !
En fait, venons-en aux impacts de la grève de 15 jours sur le fonctionnement de l’Etat et sur le quotidien des Maliens. Déjà, depuis le début de la grève, le 19 octobre dernier, deux séances de négociations ont eu lieu entre les responsables syndicaux et le Gouvernement, mais pour déboucher sur une quelconque proposition concrète de la part du Gouvernement.
Une rencontre de dernière chance entre les différents syndicats et le Gouvernement programmée pour aujourd’hui vendredi, histoire de faire tout pour éviter le déclenchement d’une grève illimitée. En attendant d’y voir clair, l’impact de la grève de 15 jours qui doit prendre fin ce week-end est bien visible sur le terrain.
Quoi de plus grave dans le contexte de crise politique majeure que nous connaissons depuis des mois et qui prend sa source dans la mauvaise organisation des élections que l’arrêt de la révision des listes électorales sur l’ensemble du territoire national dans les préfectures, sous-préfectures et au niveau des collectivités territoriales ? En effet, à part les gouverneurs qui sont les seuls à travailler, toutes les préfectures et sous-préfectures à l’intérieur du pays sont fermées. Les conséquences, les autorités de la Transition le savent mieux que quiconque, car il sera très difficile que la durée de la Transition soit respectée sans la révision des listes électorales aux arrêts. et cela a été rappelé au Premier ministre Moctar Ouane !
Faut-il le rappeler, la loi prévoit normalement le mois d’octobre pour la révision des listes électorales une fois par an. Ce délai n’a pas été respecté, la grève ayant été déclenchée le 19 octobre, soit moins de trois semaines après le début de la révision des listes. Et si l’on doit s’en tenir à la rigueur de loi, on ne peut plus réviser ces listes, alors qu’une élection transparente passe par le toilettage des listes électorales. Pire encore, c’est certain que beaucoup de gens ignorent cela, l’Administration générale, au Mali comme ailleurs, fonctionne à travers les informations et les renseignements recueillis au niveau des sous-préfectures et préfectures et jusqu’au niveau national. Des informations qui sont remontées à travers des messages RAC.
Tout cela est à l’arrêt depuis le 19 octobre dernier. Autrement dit, depuis le 19 octobre, il n’y a pas d’Etat au Mali. En effet, tous les canaux de communication de l’Administrative, à part les gouvernorats, sont bloqués et l’Etat n’a aucun moyen de contrôle sur l’intérieur du pays. C’est dire combien les préfets et les sous-préfets, les agents des collectivités territoriales qu’il ne faudrait pas oublier, sont incontournables pour le fonctionnement efficient et efficace de l’Etat, car ce sont eux qui constituent la chaîne de transmission pour la remontée des informations au niveau de l’Etat central. La recrudescence des violences un peu partout sur l’ensemble du territoire trouve peut-être sa réponse dans cet état fait !
Toute la question est de savoir si les autorités de la Transition vont prendre à bras-le-corps les revendications des syndicats grévistes et éviter qu’on ne tombe complètement dans le panneau avec le déclenchement d’une grève illimitée ! Car à ce jour encore, il n’y a eu aucune proposition concrète du Gouvernement aux différents points de revendications des syndicats, si bien que pour ce qui concerne les syndicats des collectivités territoires, la lutte ne date pas d’aujourd’hui avec en toile de fond le sempiternel problème des salaires. Pour les responsables syndicaux, la grève de 15 jours n’est qu’un avertissement adressé aux autorités. La seconde phase de leur lutte, restent-ils convaincus, sera alors très décisive.
Et ils sont à prendre au sérieux, car ils ont déjà annoncé la date de la grève illimitée, soit à partir du lundi 9 novembre 2020, si leurs points de revendications ne sont pas satisfaits. Ces points, faut-il le souligner, ont trait à l’octroi d’une sujétion pour risque de 400 000 FCFA aux administrateurs civils et aux membres du corps préfectoral, la fixation du nombre d’agents de sécurité affectés aux représentants de l’Etat et leur mise à disposition effective au plus tard le 30 octobre (ce qui est déjà forclos) ; la prise en charge effective des salaires et accessoires des fonctionnaires des collectivités territoriales relevant du cadre de l’Administration générale par le budget d’Etat…