Des affrontements entre l’armée et le Mouvement du 23-Mars ont lieu à une vingtaine de kilomètres seulement de Goma, la capitale du Nord-Kivu.
Quelques coups de feu tirés en l’air par des militaires congolais ont suffi à affoler des milliers de personnes. Mardi 15 novembre, les déplacés du camp de Kanyaruchinya, une localité de la province du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), ont préparé leurs baluchons en seulement quelques minutes.
Tous avaient déjà quitté leurs villages d’origine quelques semaines plus tôt, fuyant les affrontements entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et les insurgés du Mouvement du 23-Mars (M23). Au total, au moins 188 000 Congolais ont déjà pris la route à cause du conflit, selon les Nations unies. Mardi, les familles se sont remises en chemin, matelas sur la tête et vêtements emballés à la hâte dans des sacs en plastique. Direction Goma, la capitale provinciale.
« En début d’après-midi, des soldats FARDC sont arrivés en masse et ont voulu forcer le passage à la barrière de Kanyaruchinya. La population a pensé qu’ils fuyaient le front, témoigne Jean-Claude Mambo Kawaya, président de la société civile locale (un regroupement d’associations citoyennes). Déjà dans la matinée, des rumeurs circulaient sur la progression des rebelles. »
Les voyants sont au rouge
Depuis samedi, les combats ont en effet pris une autre tournure. Le M23, une rébellion à dominante tutsi, se rapproche de Goma et concentre ses attaques autour de Kibumba, dernier verrou sécuritaire situé à une vingtaine de kilomètres du chef-lieu du Nord-Kivu. « Les forces loyalistes se comportent très bien sur les terrains des opérations et contiennent l’ennemi », a assuré mardi soir le lieutenant-général Constant Ndima Kongba, gouverneur militaire de la province, sans donner aucun bilan des affrontements de ces derniers jours.
La peur de voir Goma retomber dans les mains du M23, comme en 2012, est dans toutes les têtes
Mais partout, les voyants sont au rouge et la peur de voir Goma retomber dans les mains du M23, comme lors de la précédente insurrection de ce mouvement en 2012, est dans toutes les têtes. Rutshuru et Kiwanja, deux cités commerçantes et agricoles de la zone, sont déjà contrôlées et administrées par le groupe armé depuis fin octobre. Tout comme Kitagoma et Bunagana, deux postes douaniers frontaliers avec l’Ouganda.
En visite à Goma mardi, Uhuru Kenyatta, facilitateur de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) pour la paix en RDC, a tenté de rassurer les habitants du Nord-Kivu et a réitéré son appel à « déposer les armes ». Le week-end dernier, l’ancien président kényan a rencontré à Kinshasa plusieurs ministres, diplomates ou représentants des communautés de l’est de la RDC afin de préparer les prochains pourparlers, prévus à Nairobi le 21 novembre.
Cette énième initiative diplomatique s’ajoute à celles déjà lancées pour tenter d’apaiser les tensions dans cette région en proie aux guerres et à la violence depuis près de trente ans. Samedi, Joao Lourenço, le président angolais, également médiateur de l’Union africaine (UA) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), a rencontré à Kinshasa son homologue congolais, Félix Tshisekedi, après s’être entretenu la veille avec le Rwandais Paul Kagame.
« On ne négocie pas avec les terroristes »
Mais les deux pays restent irréconciliables. Kinshasa accuse toujours Kigali d’« agression » et de soutien au M23. De leur côté, les autorités rwandaises continuent de nier toute implication dans le conflit et reprochent à l’armée congolaise de combattre aux côtés des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle hutu initialement formé par d’anciens génocidaires.
Le ministre rwandais des affaires étrangères, Vincent Biruta, a rappelé sur Twitter, mardi, « la nécessité pour toutes les parties de travailler à une solution politique à la crise ». Passera-t-elle par un dialogue direct entre les autorités congolaises et le M23, comme le réclament les insurgés depuis plusieurs mois ? « C’est un groupe terroriste et on ne négocie pas avec les terroristes. S’il faut négocier, il faudra d’abord poser les conditions : déposez les armes et quittez les territoires occupés illégalement », a asséné samedi le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso.
Pour l’heure, ni l’offensive aérienne et terrestre des FARDC, lancée le 8 novembre, ni l’arrivée des soldats kényans dans le cadre de la force de l’EAC, samedi, n’ont dissuadé le M23 d’avancer vers Goma.