Le capitaine Ibrahim Traoré a promis de respecter les engagements pris par son prédécesseur sur l’organisation d’élections et un retour des civils au pouvoir au plus tard en juillet 2024.
La délégation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) venue évaluer la situation au Burkina Faso, quelques jours après un deuxième coup d’Etat en huit mois, est repartie « confiante », mardi 4 octobre, de Ouagadougou, où des manifestants s’étaient rassemblés pour la critiquer.
Cette mission lui a donné « l’occasion d’avoir deux rencontres importantes : une première avec les chefs traditionnels et religieux et la principale avec le capitaine Ibrahim Traoré », le nouvel homme fort du pays, a déclaré l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou, membre de la délégation et médiateur de la Cedeao pour le Burkina, qui a jugé que le pays avait été pendant le week-end « au bord du gouffre ». « Je suis totalement satisfait de l’entretien que j’ai eu avec le capitaine. Nous repartons confiants », a-t-il tenu à souligner, assurant que la Cedeao allait « continuer d’accompagner le peuple burkinabé dans cette épreuve très difficile qu’il traverse ».
Les rencontres se sont tenues à l’aéroport de Ouagadougou, où plusieurs dizaines de manifestants affichaient leur hostilité, brandissant des drapeaux russes et scandant des slogans anti-France et anti-Cedeao. « La Cedeao, c’est aujourd’hui une honte », a dit à l’AFP l’enseignant Amadou Sagada, martelant que « le peuple burkinabé est debout et ne veut plus se laisser faire ». « Non à l’ingérence de la Cedeao », « France dégage » ou encore « Vive la coopération Russie-Burkina », pouvait-on entendre de la part des manifestants. La Cedeao est régulièrement accusée par ses opposants de défendre systématiquement les dirigeants en place, sans tenir compte des aspirations populaires, et certains de ses dirigeants d’être inféodés à l’ancienne puissance coloniale française.
Le « soutien » d’Evgueni Prigojine
La délégation était arrivée mardi matin pour rencontrer le capitaine Traoré, qui a renversé vendredi le lieutenant-colonel Damiba, lui-même arrivé au pouvoir lors d’un putsch en janvier. « Cette mission est une prise de contact avec les nouvelles autorités de la transition dans le cadre de l’accompagnement dont notre pays bénéficie », a déclaré M. Traoré dans un communiqué avant la rencontre. Il a prévenu que « toute personne qui entreprendra des actes de nature à perturber le bon déroulement de la mission de la Cedeao se verra appliquer la rigueur de la loi ».
Pendant le week-end, alors que la situation restait confuse sur les intentions de M. Damiba, des bâtiments diplomatiques et représentant des intérêts de la France ont été pris pour cibles par des manifestants favorables au capitaine Traoré. Après s’être dans un premier temps opposé à sa destitution, M. Damiba a fini par accepter de démissionner, dimanche, et est parti à Lomé.
En fin de semaine dernière, des manifestants qui réclamaient le départ de M. Damiba, accusé d’avoir été protégé par Paris, avaient déjà brandi des drapeaux russes, demandant un renforcement de la coopération militaire avec Moscou. L’influence russe ne cesse de croître dans plusieurs pays d’Afrique francophone, particulièrement au Mali et en Centrafrique. Evgueni Prigojine, un homme d’affaires russe proche du Kremlin et fondateur du groupe paramilitaire Wagner, a, dans une publication sur les réseaux sociaux, apporté son « soutien » au nouveau dirigeant burkinabé.
Djibo sous blocus djihadiste
Le capitaine Traoré a promis de respecter les engagements pris par son prédécesseur à l’égard de la Cedeao sur l’organisation d’élections et un retour des civils au pouvoir au plus tard en juillet 2024. Il a en partie justifié son coup d’Etat en reprochant à son prédécesseur « la dégradation continue de la situation sécuritaire » dans un pays miné par la violence djihadiste et où les attaques sanglantes contre civils et militaires se sont multipliées ces derniers mois. Depuis 2015, les attaques régulières de groupes armés affiliés à Al-Qaïda et à l’Etat islamique (EI) ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque 2 millions de personnes. Une majorité du territoire échappe au contrôle de l’Etat, notamment du côté des frontières avec le Mali et le Niger.
Fin septembre, un convoi de ravitaillement à destination de Djibo, l’une des villes majeures du nord du pays, sous blocus djihadiste depuis plusieurs mois, avait été attaqué à Gaskindé. Un nouveau bilan publié mardi fait état de 27 soldats tués (contre onze auparavant), dont les obsèques auront lieu vendredi à Ouagadougou. Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux et authentifié par le centre américain SITE de surveillance des mouvements djihadistes, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaïda) a revendiqué l’embuscade. Djibo, qui n’a pas vu de convoi de ravitaillement routier arriver depuis une quarantaine de jours, selon le syndicat des transporteurs, a été ravitaillé par hélicoptère mardi dans la journée. Quelque 70 tonnes de nourriture y ont été acheminées, selon l’état-major burkinabé des armées.