Au Mali, la situation est plus précaire que jamais dans le nord-est du pays, et tout particulièrement à Ménaka. Cela fait plusieurs mois que l’EIGS, la branche sahélienne du groupe État islamique, mène des offensives meurtrières pour prendre le contrôle de cette zone frontalière du Niger et du Burkina. La dernière offensive a eu lieu à Talataye, il y a trois semaines
Il y a deux jours, lundi, des combattants de l’EIGS à moto se sont approchés de Ménaka. Pour cette fois, ils en sont restés là. Mais la ville, capitale de la région éponyme – plus de 20 000 habitants en temps normal et plusieurs milliers de déplacés arrivés ces derniers mois – est la principale cible à venir de l’EIGS. C’est ce qu’expliquent unanimement les sources sécuritaires jointes par RFI. Certaines d’entre elles estiment que la localité de Tidermène, environ 75 kilomètres au nord de Ménaka, aujourd’hui contrôlée par le Jnim (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans) lié à Aqmi, pourrait être attaquée au préalable.
Renforts et stocks
Depuis plusieurs semaines, les deux groupes jihadistes qui se disputent cette partie du territoire malien, le Jnim et l’EIGS, reçoivent des renforts. Ils viennent notamment du centre du pays pour le Jnim, du Niger, du Nigeria ou d’Algérie, pour l’EIGS.
Le groupe État islamique constitue également des stocks : selon des sources locales concordantes, civiles et sécuritaires, plusieurs villages du cercle d’Ansongo (Seyna, Bara et Wiha) ont été attaqués par l’EIGS en début de semaine dernière : aucune victime, mais des réserves alimentaires et du bétail ont été pillés. De quoi servir de réserves, mais aussi de sources de revenus, grâce notamment à la revente des têtes de bétail. Des ultimatums ont été adressés à d’autres villages, dont les habitants ont été sommés de s’en aller, comme à Herba. Plusieurs groupes de combattants de l’EIGS se sont également réunis à Tabankort, la semaine dernière, pour se coordonner.
Mobilisation générale de la Plateforme
Alors que les deux groupes jihadistes rivaux tentent de prendre le pas l’un sur l’autre, des groupes armés du nord du Mali, signataires de l’accord de paix de 2015, s’efforcent de protéger les populations civiles. La Plateforme, qui rassemble notamment le MSA (Mouvement pour le salut de l’Azawad), en première ligne depuis le début des attaques, et le Gatia (Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés), a annoncé ce week-end la mobilisation générale de ses combattants, appelés à se regrouper sur des sites clefs et à se préparer au combat.
Si les ex-rebelles de la CMA, également signataires de l’accord de paix de 2015, n’ont à ce jour fait aucune annonce, une réflexion est en cours au sein du mouvement sur sa future implication dans la bataille. « Le danger est à présent aussi aux portes de Kidal », explique l’un de ses cadres. « La CMA n’a pas encore pris la décision de faire la guerre, mais elle se prépare à toute éventualité. »
Quid de l’armée malienne ?
L’armée malienne et ses supplétifs russes, présents à Ménaka, n’ont jusqu’ici pris part à aucun combat dans cette partie du territoire malien. Les autorités de transition n’ont d’ailleurs jamais communiqué sur aucun des massacres commis dans la zone depuis mars dernier. Au plus grand désarroi des populations locales qui expriment, hors micro, leurs craintes et redoutent d’être volontairement abandonnées à leur sort par les autorités de transition. Sollicitée à plusieurs reprises par RFI sur ses activités dans la zone, l’armée malienne n’a jamais donné suite.
Du côté des groupes armés de la Plateforme, théoriquement alliés de l’État malien, on déplore l’absence de soutien des Fama (Forces armées maliennes) face à un ennemi comme l’EIGS, qui menace de manière immédiate les habitants de la région de Ménaka mais aussi, sur un plus long terme, l’ensemble du pays et de la sous-région. L’EIGS est notamment très implanté au Niger voisin.
Selon les Nations unies, les trois quarts de la région de Ménaka sont déjà sous la domination de l’EIGS.