La Chine a supprimé les droits de douane sur 98 % des articles taxables provenant de plusieurs pays, dont neuf en Afrique.
Cette décision fait suite à une annonce du président chinois Xi Jinping lors du sommet Chine-Afrique en novembre 2021. Il avait affiché la volonté de son pays de porter les importations chinoises en provenance du continent africain à 100 milliards de dollars par an à partir de 2022, puis à 300 milliards de dollars par an à l’horizon 2035.
Des matières premières, c’est ce que l’Afrique exporte principalement vers la Chine. En 2020, les ventes de produits alimentaires et agricoles à la Chine en provenance des pays africains ont atteint 161 milliards de dollars, soit 2,6 % des importations totales de la Chine.
Sur le continent africain, la nouvelle politique tarifaire, entrée en vigueur le 1er septembre, s’applique aux importations agricoles et minérales en provenance de la République centrafricaine, du Tchad, de Djibouti, de l’Erythrée, de la Guinée, du Rwanda, du Soudan, du Togo et du Mozambique.
L’exemple du Mozambique
L’économiste mozambicain Joao Mosca de l’ONG Observatoire de l’environnement rural estime toutefois que le nouveau régime tarifaire apportera peu de bénéfices à l’économie d’un pays comme le Mozambique.
“Le pays est un important importateur de produits alimentaires, la balance commerciale alimentaire est fortement négative pour le Mozambique et il n’y a pratiquement aucune exportation de nourriture du Mozambique. Par conséquent, cette mesure de la Chine n’a pratiquement aucun effet sur l’économie mozambicaine”, explique-t-il.
La Chine est le principal créancier du Mozambique et son troisième partenaire commercial. Mais le commerce est en grande partie à sens unique, au détriment de la balance globale des paiements du Mozambique. L’élimination des tarifs commerciaux n’aidera donc pas à réduire les déficits de Maputo ou à alléger sa dette, selon Joao Mosca.
Pékin a montré un intérêt croissant pour les matières premières du Mozambique. Récemment, la Chine s’est associée à la Corée du Sud pour l’exploration conjointe de gaz naturel dans le bassin de Rovuma, dans la province de Cabo Delgado. La production devrait démarrer en 2024.
Les observateurs voient dans l’accord qui a été signé en août le signe que la Chine pourrait vouloir entrer totalement dansla course internationale au gaz. Selon Joao Mosca “la Chine s’intéresse non seulement au Mozambique mais surtout à tout l’océan Indien africain, du Mozambique à la Corne de l’Afrique.”
” Au cours des 30 dernières années, la Chine est devenue très dépendante des sources d’énergie et des minéraux africains, notamment le charbon, ou encore le cobalt qui est employé dans la haute technologie. Je pense que cette nouvelle mesure aidera également la Chine à avoir plus de matériaux, il lui sera plus facile de faire venir des minerais africains en Chine” précise pour sa part Chenshen Yenest, expert en politique africaine à l’Université nationale Chengchi de Taiwan.
La plupart des exportations chinoises vers l’Afrique sont en effet des produits finis tandis que les exportations africaines vers l’empire du Milieu sont dominées par les matières premières et les produits non transformés, d’où un excédent commercial en faveur de la Chine.
Une occasion de diversification
Harry Verhoeven, chercheur principal au Center on Global Energy Policy de l’Université de Columbia, estime que la suppression des droits de douane sur les exportations de minéraux de l’Afrique vers la Chine ne dopera pas forcément davantage les flux, déjà massifs, du continent vers l’Asie de l’Est.
Mais il voit cependant un gain potentiel pour les pays africains les plus défavorisés en ce qui concerne les produits manufacturés. La baisse des tarifs de la Chine pourrait ainsi encourager une diversification des exportations des Etats africains, selon lui.
Parier sur l’agriculture pourrait en revanche profiter aux deux parties dans les futures relations commerciales. La Chine est, après tout, le plus grand importateur de produits alimentaires au monde et le secteur agricole est le plus grand employeur et moteur de l’activité économique sur le continent africain. 60% des terres arables non cultivées du monde se trouvent en Afrique et selon certains observateurs Pékin aurait pour ambition de réserver des terres sur le continent pour produire plus tard des denrées alimentaires.
Avec une population croissante à nourrir et un plan visant à se concentrer sur les industries de haute technologie – ainsi qu’à trouver de nouveaux marchés pour ses produits – la Chine a un véritable intérêt dans le développement de l’Afrique à en croire certains analystes.
Par ailleurs, à court terme, les mesures annoncées par Pékin doivent être replacées dans le contexte du positionnement géopolitique, notamment dans un contexte deguerre en Ukraine qui a placé de nombreux Etats africains dans une position de loyautés conflictuelles.
L’économiste mozambicain Joao Mosca rappelle que la Chine cherche à montrer “qu’il existe une option alternative à la longue et traditionnelle dépendance vis-à-vis des pays européens et des Etats-Unis.”