Alors que la communauté internationale peut soutenir les investissements sur le continent, priorité absolue doit être donnée aux infrastructures énergétiques africaines afin de soutenir la demande intérieure.
À deux mois de la 27e session de la Conférence des parties (COP 27) en Égypte, qui sera consacrée aux moyens de remplir les engagements de décarbonation et aux financements de l’adaptation au changement climatique des pays développés, la Russie a annoncé la fermeture du gazoduc Nord Stream 1, aggravant ainsi la crise énergétique. Sécurisation des stocks, nouveaux fournisseurs, avancement des ports de GNL, appel à la sobriété des citoyens et préparation à des rationnements cet hiver ont été décidés.
L’Europe regarde aussi du côté de l’Afrique : de nouveaux contrats ont été signés avec l’Algérie et l’Égypte, et des chantiers GNL s’achèvent au Sénégal et en Mauritanie. En revanche, augmenter les exportations nécessitera des investissements dans de nouveaux projets, la capacité des producteurs actuels étant insuffisante.
Les opportunités de marché à court terme ne doivent pas faire oublier le probable déclin des revenus des exportations à l’avenir. Sur le long terme, les projets de gaz naturel risquent de ne pas rentrer dans leurs frais si la demande baisse, comme le prévoient les objectifs zéro émission des prochaines décennies. Par conséquent, les producteurs africains se trouvent face à des choix difficiles : trouver l’équilibre entre la récente hausse des prix et l’incertitude des exportations sur le long terme, sans oublier de couvrir la demande intérieure en énergie.
Accès universel
Dans le scénario « Afrique durable », l’Agence internationale de l’énergie (AIE) explore une voie qui répond aux objectifs énergétiques du continent : atteindre un accès universel à l’énergie d’ici à 2030, alimenter une économie plus importante de 50 % et répondre aux engagements climatiques. Dans ce scénario, les énergies bas carbone représentent la majorité de cette croissance, mais le gaz et le pétrole restent cruciaux et constituent les deux-tiers de la production énergétique du continent.
Si plus de 5 000 milliards de m³ (bcm) de gaz naturel ont été découverts en Afrique, ils ne sont pas encore approuvés pour exploitation. Ces ressources pourraient fournir les marchés de 90 bcm supplémentaires chaque année d’ici à 2030, ce qui s’avérerait vital pour l’industrie, les engrais ou encore la désalinisation de l’eau. Les émissions de CO2 consécutives à cette exploitation seraient d’environ 10 gigatonnes, portant la part de l’Afrique à seulement 3,5 % des émissions globales contre 3 % aujourd’hui.
Priorité à la demande intérieure
Alors que les gouvernements et les sociétés internationales envisagent des investissements, ils doivent penser à financer les infrastructures énergétiques du continent, indispensables au progrès économique, ainsi que les besoins d’adaptation climatique. Tout nouvel investissement dans ce secteur doit prendre en compte la demande intérieure en priorité, d’autant que la crise a durement affecté les Africains, confrontés à des prix de l’énergie et des denrées inabordables, une inflation et une dette grandissante.
La communauté internationale et les banques de développement doivent faire de l’augmentation des flux financiers vers l’Afrique en matière de climat une priorité absolue. Il s’agit de fournir de l’énergie à plus de 600 millions de personnes sans accès à l’électricité, et aux 970 millions d’Africains qui ne disposent pas de combustible de cuisson « propre ».
Atteindre l’accès à l’énergie moderne nécessitera 25 milliards de dollars par an jusqu’à la fin de la décennie, une somme qui représente moins de 1 % des investissements annuels globaux dans le secteur, et qui correspond à la construction d’un terminal GNL.
Assurer les besoins énergétiques de l’Afrique est dans les moyens de la communauté internationale. Mais alors que le continent a le potentiel d’aider l’Europe, diriger ces investissements vers le développement de la demande intérieure africaine doit rester une priorité indépassable.