Purge au sommet du gouvernement burundais sur fond d’accusations par le président Evariste Ndayishimiye de tentative de “coup d’État”: le ministre de l’Intérieur Gervais Ndirakobuca a été nommé mercredi Premier ministre.
L’assemblée nationale “approuve par 113 votes sur 113 la candidature du lieutenant général de police Gervais Ndirakobuca au poste de Premier ministre tel que proposé par le chef de l’Etat”, a détaillé mercredi la RNTB, la télévision d’Etat. La nomination doit encore être approuvée par le Sénat.
Le nouveau chef du gouvernement remplace Alain Guillaume Bunyoni, moins d’une semaine après que le chef de l’Etat a dénoncé devant des officiels ceux qui se croient “tout-puissants” et qui auraient des velléités de “coup d’Etat” dans son entourage et passent leur temps “à saboter” son action.
M. Bunyoni était considéré, même avant sa nomination en tant que Premier ministre, comme le véritable numéro deux du régime depuis la crise politique de 2015 et le chef de file des durs parmi le groupe de généraux qui contrôlent le pouvoir burundais.
Le nouveau Premier ministre, qui a été pendant deux ans ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, est également un membre du premier cercle des généraux issus de l’ex-rébellion qui contrôlent aujourd’hui le pays. Il dirigeait jusqu’en 2020 le très redouté Service national de renseignement (SNR), accusé d’être au cœur du système répressif burundais depuis le début de la crise.
C’est pendant la guerre civile burundaise (300.000 morts entre 1993 et 2006) qu’il a acquis son surnom, Ndakugarika, littéralement “Je vais t’étendre raide mort” en kirundi, la langue nationale.
“Bonnet blanc et blanc bonnet”
Pacifique Nininahazwe, une des figures de la société civile en exil, a dénoncé sur Twitter la nomination de Gervais Ndirakobuca, considéré comme un “dur du système”. “Bonnet blanc et blanc bonnet”, a-t-il écrit après ce changement de Premier ministre.
Les Etats-Unis et l’Union européenne avaient instauré des sanctions en 2015, lors d’une violente crise politique, contre le général Ndirakobuca et d’autres figures du régime. En novembre 2021, les Etats-Unis ont annoncé leur levée, saluant une embellie depuis l’élection d’Evariste Ndayishimiye.
Dans un décret publié mercredi sur la page officielle de la présidence, le chef de l’Etat a également nommé le colonel Aloys Sindayihebura, jusqu’ici en charge du Service national de renseignement, chef du cabinet civil à la place du le général Gabriel Nizigama.
La candidature en avril 2015 à un troisième mandat controversé du président Pierre Nkurunziza avait plongé le pays dans une crise politique majeure, qui a fait au moins 1.200 morts et poussé à l’exil quelque 400.000 Burundais. L’ancien président Nkurunziza est mort en juin 2020, officiellement d’une crise cardiaque.
Le pays est depuis tenu d’une main de fer par le régime, grâce aux Imbonerakure, la ligue de jeunesse du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, et au Service national du renseignement, qui sèment la terreur dans la population. En septembre 2021, une commission d’enquête de l’ONU affirmait que la situation restait “désastreuse” au Burundi.
Depuis son indépendance en 1962, le Burundi a été le théâtre de nombreux massacres et conflits entre les communautés Hutu et Tutsi – respectivement estimées à 85% et 14% de sa population. Le Burundi, pays de 12 millions d’habitants enclavé dans la région des Grands Lacs, est considéré par l’ONU comme l’un des pays les plus pauvres au monde.