Le colonel-major Ismaël Wagué, ministre malien de la Réconciliation nationale, a rencontré mardi les chefs de la milice dogon Dan Na Ambassagou.
Une milice pourtant accusée de nombreuses exactions. La rencontre s’est déroulée à Bandiagara à l’initiative du ministre et en présence du chef militaire de ce groupe armé, Youssouf Toloba, qui ne s’était pas privé de critiquer l’action des autorités de transition. Il a notamment été question des tensions intercommunautaires et de la lutte contre les groupes jihadistes dans le centre du pays.
Encourageante pour les uns, choquante pour les autres, c’est une rencontre pour le moins notable. Youssouf Toloba est le chef militaire de Dan Na Ambassagou, un groupe d’autodéfense dogon composé de chasseurs traditionnels, qui s’efforce de sécuriser les villages du centre du Mali vivant sous le joug des groupes jihadistes.
Mais cette milice est aussi accusée par de nombreuses organisations de défense des droits humains, et même par un rapport d’experts des Nations unies publié en août 2020, d’exactions contre des civils peuls. Elle est notamment accusée d’avoir massacré plus de 150 civils dans le village d’Ogossogou, le 23 mars 2019. Officiellement dissoute en 2019, Dan Na Ambassagou ne s’est jamais conformée à cette décision et reste très présente sur le terrain.
À ce titre, beaucoup réclament que Youssouf Toloba soit poursuivi en justice. Ce qui ne l’avait pas empêché de publier en décembre 2020 une vidéo pour critiquer la gestion de la crise sécuritaire dans le centre du pays par les autorités de transition.
« Pas une caution »
« Ce n’est pas une caution », assure d’emblée un cadre du ministère malien de la Réconciliation nationale, qui précise que des rencontres similaires ont également lieu avec d’autres groupes d’autodéfense, à la fois dogons et peuls. « Nous voulons engager un dialogue avec tous les groupes armés pour apaiser les tensions sur le terrain : entre l’armée et les populations, entre l’armée et ces groupes, et entre ces groupes eux-mêmes. »
L’objectif affiché par les autorités est de faire cesser les hostilités et engager dans le centre du pays un processus de désarmement et de réinsertion, sur le modèle de celui qui a commencé dans le Nord. « Nous n’avons conclu aucun accord. Pour le moment, nous voulons les préparer à ce processus, les convaincre de déposer les armes », précise encore ce proche collaborateur du ministre de la Réconciliation nationale, le colonel-major Ismaël Wagué – qui avant d’être ministre, avait été l’un des principaux meneurs du coup d’État du 18 août 2020.
« Il n’en est pas question », estime pourtant Mamoudou Goudienkilé, président de Dan Na Ambassagou, qui a participé à la rencontre. « Pour ça, il faudrait déjà qu’il y ait la sécurité ! Avant de nous désarmer, il faudrait déjà désarmer les jihadistes qui tuent nos populations, volent notre bétail et brûlent nos villages ! »
Mamoudou Goudienkilé affirme qu’il n’a d’ailleurs pas été question de désarmement pendant cette rencontre, qu’il juge « salutaire » et « fructueuse », car elle a permis à son groupe armé de réaffirmer son soutien à l’État malien et de solliciter une présence accrue des militaires maliens dans certaines zones, « en accord avec Dan Na Ambassagou ».
Affichage ?
Du côté de l’association peule Tabital Pulaaku, la réaction est forcément moins enthousiaste. « Nous avons été surpris », explique son vice-président Boureima Gnalibouny Dicko, qui regrette que l’État ait jusqu’à présent « toujours protégé » la milice. « Nous voulons croire qu’il y a aujourd’hui une volonté réelle de les désarmer, mais nous craignons que ça ne soit qu’un affichage. »