La décision unilatérale de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) de créer une zone de défense dans le Gourma ébranle les fondements de l’Accord pour la paix et la réconciliation et du Pacte pour la paix au Mali et émousse la confiance du gouvernement dans son partenaire stratégique. Sans autre forme de procès, le gouvernement du Mali, soucieux de la préservation du climat de détente, a diplomatiquement tancé la CMA et l’a invité à revenir sur sa décision. Cette dernière, éternellement chouchoutée par la Communauté internationale, et qui n’a pas l’habitude d’entendre ‘’non’’ venant de Bamako, perd patience et verse en conjecture. Or, la colère est mauvaise conseillère…
Dans la précipitation motivée par l’irritation et l’emportement, la CMA produit ce vendredi 5 février un communiqué qui est loin de cadrer avec les objectifs de la réconciliation et de contribuer à l’apaisement (Communiqué N°03/CD/CMA/2021).
Dans ledit communiqué, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a tenu à ‘’que la zone dite de Gourma n’est pas une création nouvelle, depuis la signature du cessez-le-feu du 23 Mai 2014 et bien avant la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation, cette zone militaire existait et relevait de la zone du Haoussa (rive gauche du fleuve de Gao). La seule nouveauté est que la zone devient autonome vis-à-vis du Haoussa et dépend directement de l’état-major général de la CMA (…).
La CMA rappelle que les FAMa ont maintes fois et de façon répétitive violé le cessez-le-feu en faisant des opérations militaires et des patrouilles unilatérales procédant aux fouilles et aux arrestations des paisibles citoyens Azawadiens dans des Zones sous son contrôle, en occupant le terrain en dehors des mécanismes de L’APR/D’Alger sans que cela suscite ses réactions, la dernière en date concerne l’incursion des FAMa à Razelma sans concertation et sans préavis».
À travers ces affirmations formulées comme des rappels par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), au-delà de toute hystérie anti-azawadienne, on se retrouve face à un double aveu : réaffirmation du caractère armé de son organisation et réaffirmation de la souveraineté de l’Azawad à l’intérieur des frontières encore internationalement reconnues de la République du Mali. Pour la loyauté et la crédibilité du processus de paix, ses acteurs et ses parties prenantes ne peuvent l’ignorer pour longtemps en le prenant pour pertes et profits.
En effet, parlant la nouvelle zone de défense, la CMA qui affirme que la ‘’nouveauté est que la zone devient autonome vis-à-vis du Haoussa et dépend directement de l’état-major général de la CMA (…)’’ dispute le monopole de la force armée à la République souveraine du Mali qui seule peut et doit disposer de la force armée. Quel est l’honneur de ces séparatistes qui se sont engagés dès l’article 1er de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger au ‘’respect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’État du Mali, ainsi que de sa forme républicaine et son caractère laïc’’ ?
C’est bien facile de crier sur tous les toits face à une communauté internationale complaisante et bien souvent complice que le Mali ne respecte pas son engagement. Quid de ces ex-séparatistes qui continuent, en dépit du fait qu’ils sont dans le gouvernement, à vouloir imposer par la ruse leur République fantoche entre l’Algérie et la région de Mopti ? Dans quel pays du monde accepterait-on deux armées et deux états-majors ? Nulle part l’Accord ne prévoit la levée et le maintien d’une armée par une partie signataire au risque de remettre en cause la souveraineté et l’intégrité territoriale du Mali.
En avouant disposer d’un état-major et donc d’une armée, la CMA reconnaît que ses éléments ne sont et ne devraient pas être sous le drapeau national, le seul qui doit du reste flotter partout sur le territoire national.
Bien pire ! En faisant référence à l’arrestation par les Forces armées maliennes (FAMa) ‘’des paisibles citoyens Azawadiens dans des Zones sous son contrôle’’, la CMA dit clairement qu’au Mali il y a deux pays, deux Républiques, et deux citoyens : les citoyens maliens et les citoyens azawadiens.
Dans « la République expliquée à ma fille » Régis Debray définit le citoyen comme ‘’celui qui participe de son plein gré à la vie de la cité. Il partage avec ses concitoyens le pouvoir de faire la loi. Le pouvoir d’élire et, le cas échéant, d’être élu. Si tu fais la loi, il est normal que tu lui obéisses’’. Mais allons à la racine.
Du latin civis, celui qui a droit de cité, citoyen, historiquement, un citoyen est un membre d’une cité-Etat grecque, disposant du droit de suffrage dans les assemblées publiques. Il participe aux décisions de la cité relatives aux lois, à la guerre, à la justice, à l’administration…
De nos jours, un citoyen est une personne qui relève de la protection et de l’autorité d’un État, dont il est un ressortissant. Il bénéficie des droits civiques et politiques et doit accomplir des devoirs envers l’État (ex : payer les impôts, respecter les lois, remplir ses devoirs militaires, être juré de Cour d’assises…).
Le Conseil d’État français, dans sa littérature (« Être (un) citoyen aujourd’hui »), distingue « trois caractéristiques » qui entrent en ligne de compte de manière pérenne dans la définition du concept de citoyenneté.
La première est que ce dernier désigne à la fois un statut, c’est-à-dire la reconnaissance officielle de droits et devoirs par une entité politique (un État en occurrence), et une pratique, voire une vertu. Cette dernière s’exprime, au-delà du respect des lois et des codes de la communauté, par le civisme et l’engagement en faveur de la collectivité.
La deuxième est qu’il renvoie à une communauté de nature politique. Être citoyen, c’est faire preuve de la capacité de s’extraire de ses appartenances, sans les renier, pour décider des affaires d’une communauté plus large ; c’est trouver en soi-même un espace de neutralité dans lequel on constitue, avec les autres, un être collectif qui est un corps politique.
La citoyenneté, troisième caractéristique constante, est intrinsèquement liée à la liberté. La Déclaration de 1789, qui s’adresse autant au citoyen qu’à l’homme, en fait une valeur essentielle et un droit fondamental pour chacun.
L’affirmation fallacieuse de ‘’citoyens azawadiens’’ ne cadre avec aucun de ces concepts et avec la réalité malienne, celle vécue par tous. Sinon, ces prétendus citoyens azawadiens n’auraient jamais siégé hier au sein de l’Assemblée nationale et aujourd’hui au sein du gouvernement du Mali et du Conseil National de Transition.
Si le désir reste toujours viscéral pour ceux qui ont proclamé, le 6 avril, 2012 la République fantasmagorique de l’Azawad, d’être autre chose que Maliens, qu’ils tirent les conséquences de leur logique insoutenable. Parce que là, il va leur falloir trouver sur une autre planète un territoire pour ériger leur État. En tout cas ce ne serait pas ici. Ce qui est dit est dit.
À bon entendeur…