Après avoir perdu une cinquantaine de soldats, dont cinq récemment, en huit ans de présence militaire interrompue dans la région, Paris se trouve à l’heure des choix difficiles, notamment entre la nécessité de réduire les effectifs de la force Barkhane et celle de poursuivre le combat contre les djihadistes.
Pour la ministre française des Armées, Florence Parly, après des « succès militaires importants » en 2020 pour avoir à la fois neutralisé plusieurs hauts responsables de groupes terroristes et attaqué leurs chaînes logistiques, la France va réduire les effectifs de sa force antijihadiste au Sahel. Cette décision sera prise à l’occasion du prochain sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel en février à N’Djamena.
« Nous serons très probablement amenés à ajuster ce dispositif : un renfort par définition, c’est temporaire », a dit Florence Parly après le renfort de 600 soldats qui a porté les effectifs de Barkhane à 5.100 hommes l’année dernère.
Face à cet état de chose, plusieurs voix s’élèvent, même au sein de la classe politique française pour demander aux autorités de prendre une décision courageuse de laisser la lutte anti-djihadiste dans le Sahel aux Etats de la région. « Il serait certes absurde et dangereux d’abandonner purement et simplement le Sahel aux islamistes, mais après huit ans sans résultat décisif, il est temps de remettre progressivement aux États africains le soin de gérer leur sécurité », estime l’analyste Renaud Girard. Un avis largement partagé par les connaisseurs du dossier.
De son côté Marc-Antoine Pérouse de Montclos, de l’Institut de recherche pour le développement pense que plus des efforts sont consentis pour aider le Sahel, « plus on s’y enfonce ». « La vraie question au-delà du nombre de morts, c’est comment se désengager sans perdre la face », relève-t-il.
La France a empêché l’installation d’un califat islamique au Sahel
Dans cette même optique, Caroline Roussy, chercheuse à l’Iris avance que les gens sont effectivement en droit de s’interroger sur l’engagement français en Afrique. « Pour sortir du bourbier du Sahel, il est urgent de repenser notre stratégie », soutient-elle.
Le député Thomas Gassilloud de LaRem est favorable au retrait des troupes françaises au Sahel. « L’action de la France a eu des résultats, puisqu’on a empêché l’installation d’un pseudo Califat islamique sur place. On a permis aux armées locales – qu’elles soient nationales ou du G5 Sahel – de se former, de prendre davantage confiance en elles. Mais aujourd’hui, sans doute, on a besoin de tourner une nouvelle page dans notre engagement sur place, une page où les armées locales seraient mises peut-être davantage en première ligne et où la France serait davantage en soutien », confie-t-il.
Au sujet de la question du Sahel maintes fois évoquée en France et ailleurs, et de sources concordantes, l’Elysée voudrait réduire plus d’effectifs de Barkhane d’ici l’élection présidentielle de 2022. Et dans l’entourage du président français, Emmanuel Macron, on évoque qu’il souhaite « une véritable discussion avec les partenaires occidentaux » sur l’engagement du pays dans la lutte contre le terrorisme dans la région comme au Levant.
« La mission qui est la nôtre là-bas est importante, néanmoins le contexte que nous sommes en train de vivre au Sahel me conduit (…) à regarder toutes les options stratégiques », souligne-t-il, évoquant implicitement la multiplication des foyers djihadistes et la recrudescence des violences intercommunautaires. « Dans ce contexte-là, et en fonction des décisions que la France aura à prendre, une plus grande implication des alliés est évidemment quelque chose qui serait tout à fait bénéfique », juge Emmanuel Macron. Paris mise beaucoup, par ailleurs, sur le déploiement d’unités d’élite européennes au sein de la nouvelle force Takuba, chargée d’accompagner l’armée malienne au combat.