Un rapport des Nations unies transmis mi-décembre au Conseil de sécurité accuse l’armée du Mali de “crimes de guerre” et des groupes armés de “crimes contre l’humanité”.
L’armée malienne a commis des “crimes de guerre” et plusieurs groupes armés des “crimes contre l’humanité”, indique la Commission internationale sur le Mali établie par l’ONU dans un rapport transmis mi-décembre aux membres du Conseil de sécurité et obtenu en exclusivité par l’AFP.
Sans être la seule, l’armée malienne figure au premier rang des accusés de cette commission, qui estime avoir recueilli “des motifs raisonnables de croire” qu’elle a “commis des crimes de guerre”, selon ce rapport de près de 350 pages dont l’AFP a expurgé des extraits mardi 22 décembre. La Commission préconise la création d’une Cour spécialisée dans les crimes internationaux.
Établie en janvier 2018, cette commission, composée de la Suédoise Lena Sundh, du Camerounais Simon Munzu et du Mauricien Vinod Boolell, a enquêté sur la période 2012-2018. Elle a remis mi-2020 son rapport au Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui l’a transmis la semaine dernière aux 15 membres du Conseil de sécurité.
Interrogé par l’AFP, le service de communication de l’ONU n’a pas fait de commentaire sur le texte, qui n’a pas encore été rendu public.
Des “assassinats” perpétrés par les forces de sécurité
En 2012, les militaires maliens s’étaient emparés du pouvoir par un coup d’État censé enrayer la déroute de l’armée face aux rebelles indépendantistes et jihadistes dans le Nord, mais qui l’a en fait précipitée, plongeant le pays dans une crise qui se poursuit.
Le rapport détaille chronologiquement quelque 140 cas où des crimes ont été commis, emblématiques d’exactions qui ont fait au total des milliers de victimes (morts, blessés, torturés, déplacés…).
En 2012-2013, les forces de sécurité et de défense se sont rendues coupables d'”assassinats” visant “particulièrement les membres des communautés touareg et arabe”, les associant aux rebelles indépendantistes et aux groupes jihadistes.
Le rapport cite notamment les meurtres de trois gendarmes touareg le 2 avril 2012, de 16 prêcheurs arabes le 9 septembre 2012 et d'”au moins 15″ personnes suspectées d’être membres d’un groupe jihadiste le 11 janvier 2013.
Après l’apparition en 2015 d’un groupe jihadiste emmené par le prédicateur peul Amadou Koufa, les Peuls du centre du Mali ont été victimes d’amalgames : “les assassinats commis par les forces armées maliennes ont de plus en plus visé les membres de (cette) communauté”, selon les termes du document.
Plusieurs signataires de l’accord de paix accusés de “crimes de guerre”
L’un de ces crimes présumés a été commis pendant une opération conjointe dans le centre du Mali entre la force antijihadiste française Barkhane et les armées malienne et burkinabé en 2017.
Durant cette opération, les militaires maliens devaient fouiller des villages proches de Mondoro (près de la frontière burkinabè). “Le 2 mai, vers 16 heures (…) plusieurs personnes principalement des hommes peuls” ont été arrêtées dans les villages de Monikani et Douna par les militaires maliens.
Emmenés au camp de Sévaré, ils ont été “violemment frappés par des soldats maliens avec des bâtons pour les forcer à admettre qu’ils appartenaient à des groupes armés extrémistes, menaçant de les tuer s’ils n’avouaient pas”. Trois hommes sont morts dans le camp.
Plusieurs signataires de l’accord de paix, dont les ex-rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et des groupes armés pro-gouvernementaux (Gatia et MAA-Plateforme), sont également responsables de “crimes de guerre”, selon la Commission.
Elle a en outre accusé de “crimes contre l’humanité” d’autres acteurs du conflit, notamment des groupes armés jihadistes dont l’influence et la violence ne cessent de s’étendre dans la sous-région, mais aussi de la milice Dan Nan Ambassagou, qui s’est érigée en défenseure des Dogons.
Les membres de cette milice ont commis des “crimes contre l’humanité et des crimes de guerre” lors d’attaques en juin 2017 de hameaux peuls proches de Koro (centre) au cours desquelles “au moins 39 civils, dont des enfants” ont été tués, selon la Commission.
À la différence d’autres rapports, les conclusions de cette commission peuvent constituer une base légale pour de futurs procès.