Perdue dans le désert du nord-est malien, la ville de Ménaka, au coeur d’une région minée par l’insécurité, connaît depuis quelques semaines une “paix relative” grâce à l’opération “Ménaka sans armes”, fruit d’une coopération encore fragile entre militaires maliens et étrangers et divers mouvements armés longtemps rivaux.
Proche de la frontière nigérienne, à 1.500 km de Bamako, Ménaka était tombée en 2012, avec le reste du nord du Mali, sous la coupe d’une coalition formée par la rébellion à dominante touareg et des mouvements islamistes, début d’une spirale de violences dans laquelle l’immense pays sahélien est toujours plongé.
Les islamistes avaient rapidement évincé les rebelles et instauré la charia (loi islamique) dans les villes conquises, avant d’en être chassés par une opération militaire internationale initiée par la France en 2013.
Signataires d’un accord de paix en 2015 avec le gouvernement, ex-rebelles indépendantistes et groupes armés pro-Bamako se sont disputés depuis lors le contrôle de Ménaka, qui a changé de mains à plusieurs reprises.
Malgré l’accord de paix, jusqu’il y a peu, il régnait entre ces groupes une “ambiance digne de +règlement de comptes à OK Corral+” dans et autour de Ménaka, souligne un diplomate en poste à Bamako.
Trafics en tous genres, fusillades et cambriolages rythmaient la vie des quelque 20.000 habitants (recensement 2009) de la ville. La région demeure un bastion de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique.
- “On ne dormait pas” –
Depuis le lancement en septembre de l’opération “Ménaka sans armes”, une “paix relative” s’est toutefois installée à Ménaka, estime un représentant de la société civile locale, Alhousseni Aghaly.
“Avant, les gens ne dormaient pas, ne savaient pas à quoi s’en tenir ni à quel saint se vouer. Maintenant, on arrive à dormir, même si la peur persiste”, a-t-il confié à un correspondant de l’AFP.
Cette opération, lancée peu après le coup d’Etat militaire qui a renversé mi-août le président Ibrahim Boubacar Keïta, fait coopérer de manière inédite l’ensemble des forces en présence, à l’exception des groupes jihadistes, pour sécuriser la ville et ses abords.
Bénéficiant du soutien de la force antijihadiste française Barkhane et de la Mission de l’ONU (Minusma), elle représente l’application d’un pan essentiel des accords de paix de 2015, jamais réellement mis en oeuvre.
Cette fois, un équilibre semble avoir été trouvé.
L’armée malienne et les Casques bleus de l’ONU patrouillent en ville. Quant aux combattants du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), du “Gatia”, autre groupe pro-gouvernemental, et d’autres éléments de groupes signataires ex-rebelles, ils tiennent une dizaine de check-points aux alentours de Ménaka.
“On a mis une ceinture tout autour de Ménaka pour que tout ce qui entre ou sort puisse être contrôlé”, explique Moussa Ag Acharatoumane, le leader du MSA.
- “Intérêts convergents” –
Pourtant, Ménaka est encore loin d’être “sans armes”.
Sur leurs pick-ups ou juchés par dizaines sur le toit d’un bâtiment en bordure de la ville, les combattants du MSA, turban sur la tête, tout comme les membres du Gatia, exhibent leurs fusils-mitrailleurs et leurs lance-roquettes.
De même, il ne faut pas trop tenir compte des motos qui contournent les check-points mis en place par l’opération, ni les tranchées annoncées par la Minusma qui n’ont pas (encore) vu le jour.
Pour le maire de Ménaka, Nanoute Koteya, dans un climat tendu, le plus important est bien ce début d’entente entre les ex-rebelles et les progouvernementaux, et leur cohabitation avec les Forces armées maliennes.
“Ce qu’il manquait commence à arriver”, se réjouit-il.
“Il faudra voir ce que ça donne sur le long terme”, nuance un notable local.
Cette cohésion apparente relève en grande partie d’une “convergence d’intérêts”, ajoute le diplomate en poste à Bamako.
En se montrant à son avantage à Ménaka, l’armée malienne gagne en légitimité dans une région où elle a surtout connu de sévères humiliations.
Les dirigeants du MSA et du Gatia espèrent, de leur côté, faire valoir leur poids auprès des autorités de transition en place à Bamako et se renforcer sur la scène politique locale, souligne Adam Sandor, chercheur à l’organisme de recherche canadien Centre FrancoPaix.