La gestion de l’après coup d’Etat s’annonce très difficile pour les militaires du Comité national pour le salut du peuple (Cnsp). En effet, les jeunes mutins de Kati ne cessent de commettre des erreurs depuis le lendemain de la démission du président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta. La dernière en date est, sans nul doute, cette tentative avortée de la tenue d’une concertation entre les auteurs du coup de force, la Société civile et des partis politiques sans tenir compte du M5-RFP, l’acteur majeur de la contestation du régime d’IBK.
Ils étaient tous là ce samedi 29 août 2020, au Centre international de conférence de Bamako, sur l’invitation du président du Comité national pour le salut du peuple, Colonel Assimi Goïta.
Les partis politiques, les organisations de la société civile, des signataires de l’Accord pour la paix issu du processus d’Alger attendaient tous avec impatience l’ouverture d’un cadre d’échanges entre la junte et les forces vives de la nation sur l’organisation de la transition. C’était sans compter sur l’impréparation et l’amateurisme d’une junte qui n’avait d’autre choix que d’informer les acteurs conviés du report de ladite concertation dans un communiqué signé du patron de junte, le Colonel Assimi Goïta.
Dans ledit communiqué, la junte justifie le report de la rencontre par un souci d’ordre organisationnel. Cette version officielle ne peut nullement dissimuler la volonté manifestée du Cnsp d’ignorer le M5-RFP dans la tenue d’une rencontre aussi importante qui devait jeter les bases du futur pouvoir transitoire.
La junte avait d’ailleurs déjà donné le ton de ce mépris vis-à-vis du M5-RFP dans un communiqué officiel en date du 28 août 2020, invitant, selon les termes dudit communiqué, à des échanges sur l’organisation de la transition des acteurs ci-après : le Conseil national de la société civile, le Forum des organisations de la société civile, le mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, le groupement des partis politiques de la majorité, le groupement des partis politiques de l’opposition politique, le groupement des partis politique du centre, et les partis politiques non alignés.
Selon certains observateurs, une telle démarche solitaire de la junte qui n’à d’autre objectif que l’écarter le M5-RFP de l’organisation et de la gestion de la transition qui risque d’être un alliée encombrant dans un processus où le maitre mot demeure l’incertitude.
Face à ce comportement contraire à la première déclaration du Cnsp, le M5-RFP a décidé de prendre les taureaux par les cornes dans un communiqué signé de Choguel Kokalla Maïga du Comité stratégique du M5-RFP.
Le M5 s’indigne
Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) dit avoir pris connaissance de cette rencontre à travers les médias, et « regrette de n’avoir pas été invité à ladite rencontre ».
Dans ledit communiqué, le M5-RFP met en garde la junte contre toute action solitaire ou tentative de confiscation de la transition par les militaires. « Le M5-RFP rappelle la lutte patriotique du Peuple malien à travers les manifestations publiques durant plusieurs mois, dans le but de contribuer à l’émergence d’un Mali nouveau que les forces armées et de sécurité ont parachevée le 18 août 2020. A ce titre, le M5-RFP est et demeure un acteur majeur de ce changement et doit être associé au premier plan à la conception de l’architecture de la Transition avec l’ensemble des forces vives de la Nation. En conséquence, le M5-RFP invite le Cnsp à une concertation urgente entre les deux forces principales du changement que sont le M5-RFP et le Cnsp, comme cela avait été souhaité lors de la rencontre de prise de contact du 26 août 2020 », indique le communiqué.
Sortie musclée de l’imam
Avant ce communiqué, l’autorité morale du M5-RFP, l’imam Mahmoud Dicko, avait donné le ton de la mise en garde. C’était le vendredi dernier, au palais de la culture Amadou Hampâté Ba de Bamako, lors d’un meeting de prière pour les victimes de la contestation. Dans un discours sans langue de bois, le leader religieux invite les militaires du Cnsp à privilégier le dialogue avec le M5-RFP. « J’ai un message clair à faire passer ! Désormais personne ne donnera un chèque en blanc aux jeunes [Cnsp]. Personne ne fera ce qu’il veut de façon anarchique dans ce pays ; c’est fini ! Permettez-moi de saluer les jeunes héros qui sont venus parachever les luttes de plusieurs jours. Je leur demande de tenir leur parole. Ce sont nos frères et nos enfants. Je leur demande de ne pas commettre les mêmes erreurs que les anciens. Qu’ils s’asseyent avec le M5 ainsi que toutes les forces vives pour parler dans la dignité et dans l’entente. Qu’ils arrêtent de se la jouer solitaire dans leur coin ! Ils sont enfermés là bas dans leur coin, les gens y font des va-et-vient. Qu’ils facilitent la situation et allègent la souffrance des Maliens. Ils sont censés être la solution et non le problème. Je me dois de leur dire ce message. Ils ont du respect pour moi, mais cela ne m’empêche pas de leur dire la vérité. Qu’ils veillent à ce qu’on continue dans la dignité. Je suis retourné dans la mosquée mais n’oublions pas que la mosquée est au Mali. Je suis retourné dans la mosquée mais je reste dans le Mali».
La mise en garde de Mahmoud Dicko a été soutenue par un autre ton plus menaçant. Le vrillant Issa Kaou Djim est passé par là dans une vidéo où il met en doute la sincérité du Cnsp d’aller à une transition apaisée avec une large concertation des forces vives de la nation en générale et du M5-RFP en particulier. « Le Cnsp doit inscrire ses actions dans l’inclusivité, puisqu’il a juste parachevé une révolution. Mais s’il tente de confisquer la transition par une action solitaire, ce groupe de militaires trouvera sur son chemin le peuple malien sous la conduite de l’imam Mahmoud Dicko ».