Après les manifestations de l’opposition du 10 Juillet dernier, plusieurs leaders de l’opposition ont évoqué l’utilisation des forces antiterroristes dans la répression des manifestants.
L’information faisant état de l’utilisation présumée des forces antiterroristes dans l’encadrement d’une manifestation de l’opposition a suscité l’étonnement, puis la réprobation des partenaires internationaux du Mali. Le gouvernement a ouvert une enquête à la fois sur l’engagement injustifiée de forces spéciales dans une opération de maintien d’ordre, mais également sur les pertes en vies humaines enregistrées, que je trouve personnellement inacceptable.
Une lettre, largement partagée à travers les réseaux sociaux, est devenue « la pièce à conviction » exhibée Urbi et Orbi par les opposants maliens. Cette correspondance de la primature a donné lieu à diverses interprétations, où le ridicule le disputait à la désinformation et à l’intoxication la plus grossière. Certains estimaient que cette lettre constituait la preuve de ce que la tournure dramatique (11 morts) prise par la répression des manifestations de l’opposition du 10 Juillet avait été préméditée. D’autres soutenaient que la lettre établissait un détournement de fonds manifeste, la sécurisation d’une manifestation ne pouvant justifier le débloque de la conséquente somme de 200 millions. Les plus ridicules, à mon avis, sont les manipulateurs de l’opposition qui ont affirmé que cette lettre permettait « d’identifier celui qui a donné l’ordre de tirer à balles réelles » sur les vandales de l’opposition. La lettre autorisant la mise à la disposition du ministère de la sécurité de 200 millions F.CFA par le ministère du budget étant signée du directeur de cabinet du premier ministre, les auteurs de ces affirmations fantaisistes croient donc tenir leur coupable.
Il ressort cependant de mon investigation que la lettre partagée sur les réseaux sociaux et dans certains médias traditionnels était une réponse à une demande de fonds du ministère de la sécurité, par correspondance N°0227/MSPC-SG, en objet « Demande d’avance de fonds pour la prise en charge des opérations spéciales, des patrouilles de grande envergure et de la couverture sécuritaire des manifestations sociales ». La lettre du ministère de la sécurité, dont j’ai pu obtenir copie, précise que la somme ainsi demandée « est destinée à prendre en charge certaines dépenses relatives aux opérations spéciales (PANGO), menée par la FORSAT », de même qu’à « la couverture sécuritaire des manifestations sociales, notamment celle annoncée du 10 Juillet 2020 ». Comme on peut donc le constater, les 200 millions n’ont pas été demandés uniquement pour la sécurisation de la manifestation de l’opposition. Pour rappel, le Mali a changé sa doctrine sécuritaire, passant d’une posture défensive à une stratégie offensive. Actuellement, les forces spéciales maliennes sont engagées dans quatre opérations de patrouilles et de sécurisation de grande envergure : PANGO1 couvre des localités du centre et la ligne frontalière Mali-Burkina ; PANGO2 se concentre sur l’axe Kolokani-Kati ; PANGO3 ratisse le Sahel-occidental (Didiéni vers Kayes, puis Diéma et alentours) ; PANGO4 (secteurs de Yanfolila et Kénioroba) coupe la route aux éléments des foyers djihadistes identifiés en Côte d’Ivoire, qui voudraient se replier au Mali.
Le gouvernement a demandé des explications au ministère de la sécurité sur l’utilisation alléguée des forces antiterroristes, mais il ressort de mes propres investigations que les hommes encagoulés à l’attirail impressionnant aperçus par les Bamakois et confondus avec les FORSAT relevaient de la BAC (Brigade Anti-Criminalité/ Police) et/ou des GMI (Groupe Mobile d’Intervention/ Gendarmerie). En effet, le 10 Juillet dernier, la BAC et le GMI avaient reçu mission de procéder à des arrestations ciblées de responsables de l’opposition.
En conclusion, les Forces Spéciales Antiterroristes (FORSAT) n’ont jamais été utilisés dans la répression des manifestations de l’opposition, ni à Bamako, ni ailleurs au Mali. Les 200 millions CFA demandés par le ministère de la sécurité n’étaient par ailleurs pas exclusivement destinés à la sécurisation de la manifestation de l’opposition du 10 Juillet. La plus importante partie de cette somme a plutôt été engagée dans la prise en charge des opérations des FORSAT contre les groupes terroristes qui, perdant le terrain dans la partie nord du pays et dans la zone dite des trois frontières (Mali-Burkina-Niger), cherchent de nouveaux secteurs de repli et d’actions terroristes.
Ce qui est vrai, est vrai !