Devant la recrudescence des violences au Sahel, notamment dans la région du Liptako-Gurma, l’armée française a besoin de renforcer la coopération avec les armées nationales sahéliennes et d’un appui européen renforcé.
« Du 3 au 9 janvier, les avions de la force Barkhane ont réalisé 98 sorties, parmi lesquelles 38 sorties de chasse, 36 sorties de ravitaillement/ISR (intelligence, surveillance, reconnaissance) et 24 missions de transport », expose le chargé de communication de l’état-major des Armées lors d’un point régulier d’information. Depuis le déclenchement de l’opération Barkhane au Sahel en 2014, l’armée française tient cette comptabilité sèche sur ses opérations extérieures, notamment au Sahel.
Depuis plusieurs semaines, le point hebdomadaire sur la « situation militaire du théâtre Barkhane » devient toutefois nettement plus meurtrier. Le 9 janvier 2020, le porte-parole évoquait « un rythme opérationnel soutenu » dans le Liptako-Gurma, qui englobe les régions frontalières du Mali, du Niger et du Burkina-Faso, ce qui signifie en clair de nombreuses attaques et de nombreux morts.
Des opérations de plus en plus meurtrières
En novembre, la France perdait 13 militaires dans une opération au Mali, mais depuis il y a eu les attaques des camps de Chinégodar (89 soldats nigériens tués), d’Inates au Niger (71 soldats tués) et d’Arbinda au Burkina Faso (7 soldats et 35 civils tués). De leur côté, les soldats de Barkhane ont éliminé plusieurs dizaines de djihadistes au cours d’une demi-douzaine d’assauts. Face à cette insécurité croissante qui s’étend du Mali aux pays voisins, l’efficacité du soutien français aux armées nationales est remise en question et la question du maintien ou du retrait se pose. D’autant plus que les groupes armés, qui s’unissent le plus souvent sous la bannière de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), passent à des modes de plus en plus violents. Ils n’étaient, par exemple, pas moins de 200, lourdement armés, à attaquer la base militaire d’Arbinda. Or chaque décès alimente la petite musique anti-française, qui va crescendo au Sahel.
Retard de la force conjointe G5 Sahel
L’espoir longtemps caressé par la France de pouvoir passer peu à peu le relais aux armées nationales, et notamment au FAMa (les forces maliennes), a disparu. Des milliers de soldats maliens ont été formés par la mission européenne EUTM-Mali, sans grand résultat. « Il faut au minimum dix ans, voire une génération, pour monter une armée capable », estiment les généraux français.
Quant à la force conjointe G5 Sahel, qui devait regrouper des soldats des cinq pays : Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad et Mauritanie, pour mener des opérations communes, notamment dans les zones frontalières, elle a du mal à aller sur le terrain. Son premier poste de commandement à Sévaré (Mali) a été détruit par les terroristes dès la fin de sa construction – financée par l’Union européenne – en juin 2018, et l’argent promis par les donateurs, au premier rang desquels l’Arabie Saoudite, arrive au compte-gouttes.
Quelques progrès et un départ impossible
Quelques progrès existent néanmoins. Pour la première fois la semaine dernière, des Mirages de l’armée de l’air ont mené une opération commune avec les forces aériennes burkinabées pour combattre des terroristes, signe d’une très nette montée en gamme. A Paris, on estime qu’un retrait laisserait un vide dangereux, en raison d’une possible contamination djihadiste de l’Afrique de l’Ouest et d’une possible alliance avec Boko Haram. Reste à articuler une nouvelle stratégie, les forces françaises étant trop faibles pour contrôler un territoire aussi grand que la bande sahélienne. L’état-major plaide pour un recentrage des opérations sur la région des trois frontières, Barkhane devenant en quelque sorte une force de réaction rapide au service des armées nationales. Florence Parly, ministre des Armées, appelle aussi ses homologues européens à l’aide pour créer une force spéciale européenne « Tacouba », mobilisable sur des opérations délicates.