L’Allemagne a réaffirmé lundi sa volonté d’assumer plus de responsabilité militaire dans la région du Sahel face à la menace djihadiste, comme la France l’y invite, mais le sujet divise profondément le gouvernement d’Angela Merkel.
«La stabilité de cette région constitue un facteur essentiel de notre propre sécurité en Europe et nous observons avec inquiétude la détérioration continue de la situation sur place», a déclaré une porte-parole de la chancelière allemande, Ulrike Demmer, lors d’un point de presse à Berlin. Elle a rappelé qu’aux yeux d’Angela Merkel l’Allemagne «voulait et devait assumer davantage de responsabilité sur place».
Concrètement, la ministre de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, présidente du parti conservateur d’Angela Merkel, a plaidé au cours du week-end en faveur d’un mandat renforcé de l’armée allemande dans la partie sud du Sahara. Elle a pris l’exemple de la France «qui est impliquée sur place avec un mandat beaucoup plus robuste» que celui de l’armée allemande, cantonnée pour l’heure essentiellement au Mali à des missions de formation et de surveillance, et sous contrôle étroit des parlementaires allemands.
Dans le même temps, Angela Merkel et son camp conservateurs doivent composer avec le pacifisme traditionnel de l’opinion nationale, fortement ancré depuis la Seconde guerre mondiale, et celui de leur partenaire social-démocrate au sein de la coalition. «Nous n’accepterons aucune offensive militaire mal préparée et pas de redéfinition par le ministère de la Défense de la politique étrangère allemande», a ainsi prévenu la nouvelle présidente du parti social-démocrate (SPD), qui prône un virage à gauche du mouvement, Saskia Esken, dans une interview dimanche.
Résultat de ces frictions: le gouvernement allemand vient d’indiquer avoir déjà refusé à deux reprises des demandes françaises d’envoi de forces spéciales dans le cadre d’un projet de renforts européens pour encadrer la fragile armée malienne. Ce refus a été confirmé dans une réponse écrite confidentielle à une question parlementaire du parti libéral allemand FDP, a indiqué lundi un porte-parole de ce mouvement à l’AFP. Paris a appelé de ses voeux l’envoi de telles forces spéciales européennes au Sahel dans le cadre d’une unité baptisée Combined joint special operations task force (CJSOTF), pour épauler les efforts des 4500 militaires français de l’opération Barkhane. Pour Paris, dont l’armée est présente au Sahel depuis 2013, l’enjeu est d’aider à une montée en puissance des armées malienne, nigérienne et burkinabé face aux attaques djihadistes.